Le géant Amazon suspend son projet de livraison par drone en Italie. Annoncée comme imminente, l'initiative Prime Air est stoppée net, non pas pour des raisons techniques, mais à cause d'un cadre réglementaire commercial jugé défavorable par le géant américain.

Cette décision inattendue soulève des questions sur la viabilité économique et logistique de ce mode de livraison en Europe.

L'annonce avait pourtant tout d'une avancée majeure. Amazon, par le biais de son programme Prime Air, prévoyait de déployer son service de livraison par drone en Italie dès la fin 2024, après des essais réussis menés dans la ville de San Salvo, dans la région des Abruzzes.

Le drone MK30, plus léger, plus silencieux et capable de voler sous une pluie fine, était au cœur de ce dispositif prometteur. L'enthousiasme était partagé par les autorités locales, l'ENAC (l'autorité de l'aviation civile italienne) voyant dans ce projet une confirmation de l'attractivité du pays pour l'innovation. Mais certaines difficultés ont rapidement rattrapé les projections.

Un ciel réglementaire plus complexe que prévu

Officiellement, la décision d'Amazon est motivée par un contexte défavorable qui dépasse la simple réglementation aérienne. Dans un communiqué, l'entreprise évoque un « cadre réglementaire commercial plus large » qui ne soutient pas ses objectifs à long terme pour le programme, tout en saluant la collaboration positive avec les régulateurs aérospatiaux italiens.

Le problème ne viendrait donc pas de la sécurité des vols, mais de l'écosystème économique et juridique. Cependant, l'ENAC qualifie cette décision d' "inattendue" et la lie directement aux "récentes vicissitudes financières" du groupe dans le pays.

Cette déclaration fait écho aux tensions fiscales entre le géant américain et l'État italien, qui se sont soldées par un accord de plusieurs centaines de millions d'euros.

Ce contexte suggère que l'arrêt du projet pourrait être une conséquence directe de ce climat des affaires jugé hostile, bien au-delà des questions de logistique aérienne.

Un déploiement mondial semé d'embûches

Le cas italien n'est pas un incident isolé, mais plutôt le symptôme des difficultés que rencontre le programme de livraison par drone à l'échelle mondiale. Aux États-Unis, le déploiement a été confronté à des résistances locales importantes, notamment à College Station, au Texas, où les résidents se sont plaints de nuisances sonores comparables à celles de « tronçonneuses ». Ces protestations ont contraint Amazon à limiter ses opérations avant de finalement quitter la ville.

Au Royaume-Uni, l'expansion se heurte à des obstacles similaires. Des frictions avec un aéroclub local et des inquiétudes émises par le ministère de la Défense concernant la sécurité de l'espace aérien ont ralenti le processus d'autorisation.

De plus, plusieurs incidents techniques, comme la collision de deux drones avec une grue en Arizona ou la section d'un câble internet au Texas, démontrent que la technologie, bien que prometteuse, n'est pas encore pleinement mature pour un déploiement à grande échelle sans risque.

La dure réalité économique de la logistique du dernier kilomètre

L'abandon du projet en Italie met en lumière une vérité fondamentale : l'approbation réglementaire n'est qu'une étape. Pour qu'un programme comme Prime Air soit viable, il doit aussi faire ses preuves sur le plan économique.

Les coûts d'exploitation, l'investissement en infrastructure, les besoins en personnel et la concurrence des réseaux de livraison terrestre existants sont autant de facteurs déterminants. Dans des zones urbaines denses avec des réseaux de coursiers efficaces, l'avantage du drone est loin d'être évident.

Plutôt qu'un remplacement des méthodes traditionnelles, la livraison par drone s'oriente vers un rôle de solution complémentaire. Elle trouvera sa pertinence dans des cas d'usage spécifiques : livraison d'articles urgents, desserte de zones rurales ou difficiles d'accès, transport de matériel médical.

L'expérience italienne est un rappel que la réalité économique et les conditions du marché local sont les véritables juges de paix. L'avenir du secteur dépendra donc de sa capacité à trouver des déploiements ciblés où tous les facteurs, réglementaires, financiers et logistiques, s'alignent parfaitement.