Au nom de leur sécurité nationale, les Etats-Unis ont imposé des restrictions commerciales dans le secteur des semi-conducteurs afin d'empêcher la progression rapide de l'industrie chinoise et son rattrapage technologique dans ce domaine.
Du design de puce à la production en passant par les équipements de lithographie, tout ce qui pourrait permettre à la Chine de revenir sur l'avancée des USA et jouer un rôle dans des applications militaires ou contraires aux droits de l'homme est soumis à un contrôle strict et à une surveillance renforcée, au risque de finir par pénaliser les entreprises américaines ne pouvant plus accéder à cet immense marché.
Le CEO de Nvidia, Jensen Huang, avait souligné que les opportunités chinoises n'avaient pas d'équivalent dans le monde et qu'en fermer la porte au moment de l'essor de l'intelligence artificielle serait préjudiciable aux entreprises high-tech américaines.
L'embargo, une contrainte aussi pour les entreprises US
A l'heure des premiers ajustements de l'embargo pour s'assurer qu'il est efficace, une investigation vient d'être lancée contre l'entreprise Applied Materials, le plus gros équipementier US, pour avoir continué de vendre des équipements au fondeur chinois SMIC, placé sur la liste noire des Etats-Unis en 2020, durant les années 2021 et 2022 sans avoir obtenu les autorisations désormais nécessaires.
Selon Reuters, l'affaire porterait sur des contrats de plusieurs centaines de millions de dollars. A ce stade, il ne s'agirait encore que d'une enquête préliminaire pour vérifier les assertions, sans forcément donner lieu à des sanctions.
Cela suffit tout de même à faire chuter le cours en Bourse d'Applied Materials de plus de 7% à cette annonce, l'entreprise se bornant à indiquer qu'elle collaborera pleinement avec les autorités.
Ce tiraillement entre le respect des restrictions commerciales vis à vis de la Chine et les opportunités de revenus qui risquent d'être perdues, surtout si les entreprises chinoises parviennent à développer leurs propres solutions, s'exprime également vis à vis de Nvidia.
La firme connaît une croissance très forte grâce aux ventes d'accélérateurs graphique IA puissants et les restrictions commerciales l'ont amenée à s'adapter et à proposer des produits modifiés pour pouvoir continuer d'être exportés vers la Chine.
Après avoir dérivé son accélérateur graphique de référence Nvidia H100 en une variante H800 entrant désormais dans le champ des nouvelles restrictions du mois de novembre, de nouveaux composants sont en préparation pour répondre aux nouvelles exigences de limitation de puissance et être proposés en Chine.
Faire bloc ou s'accommoder
Cette stratégie de louvoiement n'est pas forcément bien vue dans l'industrie. Andrew Feldman, le dirigeant de Cerebras, une entreprise concevant des puces géantes sur wafer destinées aux datacenters, ne s'est pas privé de critiquer Nvidia pour son manque de responsabilité morale qui la conduit à chercher à contourner sans cesse les mesures prises par le gouvernement américain au lieu de s'y conformer strictement.
Il n'hésite pas à y voir un comportement dévaforable aux intérêts de la nation ("un-american") qui n'est d'ailleurs pas propre à Nvidia. D'autres entreprises comme Intel ou AMD ont également adapté des processeurs pour tenter de garder un pied en Chine.
Mais il est sans doute plus facile pour Cerebras, qui n'a jamais eu d'activité en Chine, de se conformer aux directives par rapport à d'autres entreprises pour lesquelles le marché chinois revêt une importance stratégique, avec ou sans embargo.