Le bras de fer est engagé. Après des années de tensions techniques et de raccordements chaotiques, l'Autorité de régulation frappe un grand coup et met la pression sur Réseau Optique de France (ROF), la filiale infrastructure de Free.
En cause : un réseau pionnier, mais dont l'architecture unique bloque aujourd'hui l'accès aux opérateurs concurrents, bafouant le principe sacré de la mutualisation.
Pourquoi ce réseau pose-t-il un problème fondamental ?
Le cœur du problème réside dans une conception datant de plus de dix ans. À l'époque, ROF a déployé des Points de Mutualisation de Grande Capacité (PMGC), installés directement dans les NRO de Free. Cette architecture, aujourd'hui jugée atypique, a une conséquence majeure : les techniciens des opérateurs tiers comme Orange, SFR ou Bouygues Telecom ne peuvent physiquement pas y accéder pour installer leurs équipements et brancher leurs clients.
Seul un technicien de ROF est habilité à intervenir, créant une dépendance totale et une opacité technique. Cette situation entraîne des échecs de raccordement en série, des délais à rallonge et une qualité de service dégradée, comme le pointe l'Arcep dans sa décision. Le dispositif de "fiabilisation" tenté par ROF a été jugé largement insuffisant par le régulateur.
Quelle est l'ampleur du chantier exigé par le régulateur ?
La mise en conformité de ce réseau fibre est un chantier titanesque. L'opérateur doit abandonner son modèle centralisé pour une architecture FTTH classique, opérable par tous. Concrètement, le projet de modernisation vise à transformer 93 PMGC pour créer des milliers de nouveaux points de mutualisation accessibles.
Les chiffres donnent le vertige et illustrent l'ampleur de la tâche :
- 81 PMGC en zones très denses doivent être convertis en 5 356 points de mutualisation d’immeuble ou extérieurs.
- 12 PMGC en zones moins denses doivent devenir 134 points de mutualisation de rue.
Le plan de modernisation accuse déjà un retard de production estimé à 70%. Face à cette lenteur, l'Autorité a donc fixé un ultimatum clair : tout doit être terminé avant le 31 décembre 2026.
Quelles sont les conséquences pour Free et les abonnés ?
Pour Free et sa filiale ROF, l'enjeu est avant tout financier et opérationnel. Reconstruire une partie de son réseau historique représente un investissement massif et un défi logistique complexe. La mise en demeure du régulateur est un signal fort : aucune singularité technique, même historique, ne peut justifier une entorse à la concurrence.
Pour les abonnés des quelque 239 000 locaux concernés, c'est une excellente nouvelle. Jusqu'à présent souvent captifs d'un seul opérateur, ils verront enfin arriver des offres concurrentes. Cette ouverture devrait stimuler le marché local, améliorer la qualité de service et potentiellement faire baisser les prix, restaurant ainsi un choix inexistant dans ces zones.
Foire Aux Questions (FAQ)
Qu'est-ce qu'un PMGC et pourquoi est-il problématique ?
Un Point de Mutualisation de Grande Capacité (PMGC) est un équipement qui centralise un très grand nombre de lignes fibre. Dans le cas du réseau de ROF, ils sont situés dans les locaux techniques (NRO) de Free, rendant impossible l'accès physique pour les techniciens des autres opérateurs, ce qui viole les règles de mutualisation des infrastructures.
La décision de l'Arcep est-elle définitive ?
Oui, il s'agit d'une mise en demeure officielle. Réseau Optique de France a l'obligation de présenter un plan d'action et de respecter l'échéance du 31 décembre 2026. En cas de non-respect, l'Arcep peut engager une procédure de sanction, qui peut aboutir à des pénalités financières importantes.
Toutes les zones fibre de Free sont-elles concernées ?
Non, absolument pas. Cette décision ne concerne que le tout premier réseau fibre déployé par la filiale ROF (ex-Free Infrastructure), qui couvre environ 239 000 locaux. L'immense majorité du réseau fibre de Free repose sur des architectures modernes et parfaitement conformes aux standards de mutualisation.