Dans un climat international tendu, marqué par le conflit en Ukraine et une méfiance croissante envers Moscou, l'Union Européenne franchit une nouvelle étape dans la construction de son autonomie stratégique.

La Commission Européenne a dévoilé une feuille de route audacieuse visant à préparer le bloc à une confrontation potentielle, jugée possible par certains services de renseignement d'ici cinq ans.

Un plan d'envergure nommé "Readiness 2030"

Loin d'être une simple déclaration d'intention, ce plan constitue une stratégie de défense concrète, potentiellement dotée de 800 milliards d'euros, articulée autour de quatre programmes phares.

La feuille de route, nommée Readiness 2030, prévoit une initiative de défense anti-drones, des fortifications sur le flanc Est du bloc et un bouclier aérien pour intercepter les menaces balistiques.

Mais l'élément le plus novateur reste sans conteste le Bouclier Spatial Européen. L'objectif est clair : combler les neuf "lacunes capacitaires" identifiées par la Commission pour faire face à ce qu'elle décrit comme un "paysage de menaces en pleine évolution" alimenté par la Russie et d'autres États autoritaires.

On retrouve ici le principe de guerre hybride avec non pas un front identifié mais une myriade de menaces touchant de nombreux secteurs et infrastructures sensibles ou stratégiques.

Le Bouclier Spatial : une forteresse en orbite

Prévu pour un lancement au deuxième trimestre 2026, ce bouclier vise à protéger les infrastructures spatiales critiques de l'UE. Ces satellites, qui assurent des services civils et militaires essentiels comme la navigation (Galileo) ou les communications sécurisées (IRIS²), sont de plus en plus vulnérables aux menaces modernes, comme l'ont montré des accusations récentes de "stalking" de satellites allemands par des engins russes.

Les risques identifiés vont du brouillage et de l'usurpation de signal aux opérations hostiles menées directement en orbite. La feuille de route met donc l'accent sur le développement de la connaissance de la situation spatiale (Space Domain Awareness) et des capacités d'opérations en orbite, comme le ravitaillement, un domaine où l'Europe accuse encore un certain retard.

Une coordination délicate avec l'OTAN

Cette montée en puissance de la défense européenne ne se fait pas sans quelques frictions. Les premières discussions ont suscité des tensions avec l'OTAN, dont 23 membres font partie de l'UE, en raison des craintes de duplication des efforts et des structures de commandement.

L'Alliance atlantique a d'ailleurs prévenu qu'une attaque dans l'espace pourrait suffire à déclencher son article 5 de défense mutuelle.

Après des semaines de pourparlers, un compromis semble avoir été trouvé. Les projets de l'UE seront intégrés sous les structures de commandement et de contrôle existantes de l'Alliance.

Les eurocrates agiront en tant que conseillers pour le financement via des prêts et subventions, tandis que les États membres conserveront la gestion opérationnelle des coalitions, qui pourraient d'ailleurs s'ouvrir à des partenaires comme le Royaume-Uni ou le Canada.

Avec une approbation de la feuille de route espérée pour la fin de l'année 2025, l'UE envoie un signal fort de sa volonté de ne plus dépendre uniquement de ses alliés pour sa sécurité.

La question demeure de savoir si cette mobilisation industrielle et financière parviendra à transformer l'Europe en une véritable puissance militaire souveraine, capable de défendre ses intérêts de la Terre jusqu'à l'espace.