Cadence Design Systems, leader mondial des outils de conception électronique, a reconnu devant les autorités américaines avoir violé les contrôles à l’export en fournissant ses logiciels à une entité chinoise rattachée à l’armée.

La sanction financière de 140 millions de dollars révèle une nouvelle fois les tensions persistantes dans la course mondiale aux semi-conducteurs, mais aussi les risques auxquels s’exposent les grands noms de l’industrie sur fond de rivalité États-Unis/Chine.

Une sanction record pour des ventes à une université militaire chinoise

Cadence, entreprise basée en Californie, vient d’accepter de plaider coupable et de régler une amende de plus de 140 millions de dollars auprès des autorités américaines, à la suite d’une longue enquête concernant ses exportations non autorisées de logiciels de conception de puces électroniques (« EDA »).

Selon le département de la Justice, la société a illégalement vendu ses produits à des intermédiaires liés à la National University of Defense Technology (NUDT) chinoise, un organisme classé comme sensible par Washington.

La NUDT est soupçonnée de mettre ses supercalculateurs au service de la simulation d’explosions nucléaires tandis que les entités rattachées à NUDT figurent sur la liste noire américaine, interdisant tout transfert de technologies de pointe sans licence expresse du gouvernement.

Pour contourner ces restrictions, Cadence aurait recouru à des sociétés-écrans et des revendeurs, comme le détaille un dépôt de plainte datant de plus de quatre ans. Cette affaire fait écho à la stratégie opaque de nombre d’acteurs visant à accéder à des outils jugés stratégiques pour le développement technologique chinois.

Des outils au cœur de la souveraineté technologique

Pourquoi cet épisode fait-il tant réagir le secteur et même les marchés financiers ? L’enjeu réside dans la nature des produits exportés. Cadence développe des solutions EDA incontournables, qui permettent aux grandes entreprises du monde entier – dont Nvidia, Qualcomm et d’autres géants – de concevoir la prochaine génération de semi-conducteurs.

Wafer électronique

Ces logiciels sont essentiels pour la conception de puces complexes, au cœur de la compétition pour l’intelligence artificielle, le calcul haute performance et la défense.

Cadence représente l’un des trois acteurs-clés de ce marché aux côtés de Synopsys et Mentor Graphics. La raréfaction de ces logiciels et le contrôle accru des exportations sont devenus un outil géopolitique pour limiter la montée en puissance technologique de la Chine, dans un contexte où Pékin ambitionne notamment l’autonomie dans la fabrication de composants avancés.

Conséquences pour Cadence et pressions sur l’industrie américaine

Les répercussions pour Cadence sont multiples : l’entreprise devra non seulement s’acquitter de la sanction financière, mais elle doit également renforcer ses dispositifs de conformité.

Cette reconnaissance de culpabilité survient alors que le groupe avait déjà mentionné dans ses résultats trimestriels une provision liée à cette affaire. Fait notable, l’annonce a propulsé le titre de Cadence à la hausse de près de 8% en bourse, reflétant peut-être un soulagement des investisseurs de voir le dossier, enfin, résolu.

Cadence Design Systems

Mais cette affaire envoie également un message fort à l’ensemble du secteur américain des technologies : la surveillance des exportations s’intensifie, et toute incartade expose les entreprises à des amendes massives ou à la perte d’accès à certains marchés mondiaux. 

Toutefois, l'annonce de la sanction de Cadence intervient au moment même où Nvidia obtient la possibilité d'exporter à nouveau ses composants Nvidia H20 vers la Chine, faisant fi des questions de sécurité nationale mises en avant précédemment.

De fait, les messages envoyés à l'industrie peuvent être contradictoires : d'un côté la fermeté et les sanctions, de l'autre le pragmatisme et les opportunités commerciales à court terme. Encore faut-il être du bon côté de la barrière.