Face à l'échec de l'unique offre de reprise faute de financement, l'entreprise Carmat, pionnière du cœur artificiel, se dirige inéluctablement vers la liquidation judiciaire. La décision du tribunal de commerce de Versailles scellera le sort de ce symbole de l'innovation médicale française, laissant derrière elle des espoirs déçus et des questions sur le financement de la deep tech en France.
Carmat est sur le point de cesser toute activité. L'entreprise a annoncé que l'offre de reprise déposée par Hougou, société de son propre président Pierre Bastid, n'a pu être confirmée.
Sans les financements nécessaires pour la soutenir, cette ultime tentative de sauvetage est devenue caduque, ouvrant la voie à une liquidation judiciaire imminente.
Un sauvetage manqué, la liquidation en ligne de mire
La déception est immense pour l'écosystème de l'innovation. L'offre de Pierre Bastid représentait le dernier espoir pour la medtech. Actionnaire à hauteur de 17%, il n'a pas réussi à sécuriser les capitaux nécessaires pour poursuivre l'aventure.
L'homme d'affaires, qui a lui-même investi des dizaines de millions d'euros dans le projet, a exprimé son désarroi face à l'incapacité de trouver des financements en France pour des projets d'une telle envergure, malgré des recherches intensives auprès de fonds anglo-saxons et du Moyen-Orient.
De la promesse d'immortalité à la dure réalité
L'histoire de Carmat avait pourtant débuté sous les meilleurs auspices. En décembre 2013, la France découvrait avec fascination la première implantation mondiale d'un cœur artificiel autonome sur un patient de 75 ans.
Inventé par le professeur Alain Carpentier, ce bijou technologique, capable d'adapter son rythme à l'effort du patient, semblait ouvrir une nouvelle ère. On parlait alors de véritable tournant, de remplacer la greffe cardiaque et de répondre à un besoin médical colossal.
Pourquoi le modèle économique n'a-t-il jamais décollé ?
Malgré son avance technologique, Carmat n'a jamais transformé l'essai sur le plan commercial. Le coût de la prothèse, environ 200 000 euros, des dysfonctionnements techniques et un temps de développement très long ont freiné son adoption.
Seuls 122 patients ont été implantés à ce jour. L'ambition initiale de proposer un "cœur définitif" a été revue à la baisse, repositionnant le dispositif comme une solution temporaire en attente d'une greffe.
Des critiques internes, comme celles de Philippe Pouletty de Truffle Capital, pointent du doigt une stratégie hasardeuse et des prévisions financières irréalistes qui ont découragé les investisseurs, y compris des acteurs historiques comme Airbus et Bpifrance.
Avec la liquidation, les actionnaires s'attendent à une perte intégrale de leur investissement. L'entreprise a promis d'assurer le suivi des patients déjà implantés, mais la fin de Carmat laisse un vide immense et une question en suspens : la France a-t-elle les moyens de soutenir ses innovations de rupture sur le long terme ? L'audience finale du tribunal de commerce de Versailles apportera une réponse définitive à ce feuilleton médico-industriel.