Alors que la relation commerciale sino-américaine demeure sous haute tension, un nouvel affrontement se profile autour des puces pour l’intelligence artificielle.
D’après plusieurs sources concordantes relayées par le Financial Times, la Chine presse les États-Unis de lever une partie des contrôles d’exportation qui freinent l’accès de ses entreprises aux semi-conducteurs essentiels, dans la perspective d’un accord avant le prochain sommet entre Donald Trump et Xi Jinping.
Sur fond de rivalité technologique accrue, les enjeux dépassent la simple question des ventes : ils orientent l’avenir de l’industrie IA globale avec le risque pour les USA de déverrouiller le potentiel de la Chine dans ce domaine.
Un enjeu majeur : pourquoi la Chine veut des puces d’IA américaines
Depuis plusieurs années, Washington impose des limitations strictes sur l’exportation de puces avancées vers la Chine, en particulier les mémoires rapides HBM (High-Bandwidth Memory) et les processeurs graphiques indispensables au traitement de données volumineuses pour l’intelligence artificielle.
Cette mesure vise à ralentir la progression des capacités technologiques et militaires chinoises, tout en maintenant l’avantage des entreprises américaines. Dans ce contexte, Pékin multiplie les démarches diplomatiques : lors de discussions à Washington, ses représentants ont insisté pour un relâchement des restrictions, soulignant qu’elles entravent les géants locaux comme Huawei dans le développement de puces IA de nouvelle génération.
Les mémoires HBM, qui représentent près de la moitié de la valeur d’une puce IA selon Gregory Allen (CSIS), sont scrutées attentivement par les investisseurs, car leurs performances déterminent l'efficacité des processus d’apprentissage automatisé. L’intégration de ces composants avec des processeurs de type Nvidia reste déterminante pour toute percée significative dans le secteur.
Les États-Unis divisés : entre pression économique et préoccupations sécuritaires
La volonté chinoise de desserrer l’étau sur l’export des puces d’IA rebat les cartes de la négociation. Mais si certains conseillers de l'administration Trump envisagent des concessions pour débloquer les ventes – notamment pour accélérer les discussions commerciales – d’autres voix prônent la prudence.
Les préoccupations liées à la sécurité nationale persistent : les experts du gouvernement américain redoutent que le relâchement des mesures ne favorise l’essor du secteur militaire chinois. D’après certains analystes, une ouverture trop large à l'export pourrait permettre à Pékin de rattraper son retard technologique, une perspective jugée risquée du côté du Congrès.
Des impacts économiques majeurs pour les deux géants du secteur
En pratique, le bras de fer sur les puces d’IA redistribue les cartes pour les sociétés telles que Nvidia et AMD. Malgré les restrictions, la Chine reste un marché essentiel pour l’industrie américaine du semi-conducteur, source de revenu non négligeable.
L’accord récent imposant à Nvidia et AMD de reverser 15% de leur chiffre d'affaires réalisé en Chine au gouvernement des États-Unis, en échange d’une licence d’exportation, illustre un changement de paradigme : « Nous sommes en train d’assister à une monétisation de la politique commerciale américaine » analyse Stephen Olson, expert en commerce international.
Huawei Ascend, l'alternative chinoise pour l'IA
En parallèle, la Chine a aussi œuvré pour faciliter ses exportations de terres rares et d’aimants permanents, indispensables à la fabrication des équipements électroniques, afin de peser davantage dans les négociations. Cette double approche – ouvrir les vannes sur certains composants tout en cherchant à débloquer les marchés IA – témoigne d’un rapport de force très tactique mais qui tend à donner l'avantage à la Chine.
Vers quelle issue : compromis, escalade ou statu quo ?
Tandis que les discussions se poursuivent, aucun des deux protagonistes n’a officiellement commenté les négociations autour des puces HBM. Faut-il s’attendre à une détente ou à une nouvelle escalade ?
D’après les analystes, un accord pourrait prendre la forme d’un « Phase One deal » revu et corrigé, impliquant une augmentation des achats chinois de produits américains (énergie, agriculture, semi-conducteurs), si le feu vert est donné à la levée de certaines restrictions. Mais le contexte reste volatile, et la moindre décision, qu’elle soit de Trump ou de Xi Jinping, pourrait reconfigurer le secteur technologique mondial.