Le ministère du Commerce chinois a tranché. La société canadienne TechInsights se retrouve ajoutée à la redoutée "liste des entités non fiables", coupant d’un coup sec ses accès à toute donnée issue d’organisations et de citoyens chinois.
La firme, réputée pour ses analyses pointues sur les puces, s’est récemment illustrée en détectant dans les derniers processeurs IA Ascend du géant Huawei divers composants provenant d’acteurs majeurs hors de Chine.
L’affaire secoue la promesse de souveraineté affichée par Pékin dans le secteur, où la course à l'autonomie technologique s’intensifie. L’exclusion intervient après la publication d’un rapport où TechInsights signale l’utilisation de technologies en provenance de Samsung, TSMC et SK hynix dans les nouveaux produits Huawei.
Pékin, évoquant la sécurité nationale, acte un virage stratégique qui complexifie la collecte d’informations et la transparence sur les talents et les faiblesses des fabricants locaux.
Pourquoi TechInsights s’est-il attiré les foudres de Pékin ?
La décision du gouvernement chinois cible aussi d’autres groupes occidentaux liés à la recherche, la défense ou la cybersécurité. TechInsights est cependant mentionné explicitement parmi les entités condamnées, reflet d’une crispation croissante autour des analyses mettant en lumière l’opacité de certains champions technologiques chinois.
Huawei, figure centrale des ambitions industrielles locales, a fait l’objet d’enquêtes conduites par TechInsights : détections de circuits taïwanais TSMC dans la puce Ascend 910B, révélations sur la présence de composants mémoire Samsung ou SK Hynix.
Ces découvertes heurtent frontalement la ligne officielle d’une "autarcie" dont la véracité s’émousse dès que l’on dissèque les produits. Pour Pékin, la diffusion de données sensibles nuisibles à l’image du secteur justifie des mesures radicales.
Selon le communiqué officiel, il devient strictement interdit aux structures chinoises de coopérer ou même d’échanger des informations techniques avec TechInsights et toutes ses filiales mondiales.
Les puces Huawei : entre innovation locale et dépendance extérieure
À l’heure où la Chine redouble d’efforts pour bâtir une chaîne d’approvisionnement locale, les observations des analystes canadiens rappellent crûment la réalité : les puces IA Huawei reposent sur des technologies toujours dépendantes de savoir-faire étrangers.
Les analyses croisées avec SemiAnalysis mettent en évidence la présence de mémoires Samsung et de processeurs TSMC, alors même que ces entreprises sont soumises à des restrictions américaines.
Huawei est, depuis 2019, sur la liste noire des États-Unis, interdisant aux fabricants qui font affaire avec Washington de céder leur propriété intellectuelle ou matériels avancés au groupe chinois.
Malgré cela, TechInsights et d’autres observateurs ont signalé que les stocks ou des anciens contrats ont permis de contourner certains blocages. La collaboration soupçonnée avec le fondeur local SMIC demeure entourée de mystère, les deux entreprises restant silencieuses depuis le début des sanctions américaines. Derrière l’apparente autosuffisance, les circuits et modules associés à la puce "Ascend" témoignent d’une globalisation encore prégnante.
Quelles conséquences pour la transparence et la compétition internationale ?
La mise à l’écart de TechInsights pose un nouveau jalon dans le bras de fer technologique sino-occidental. Moins de visibilité sur la structuration des puces revient à laisser le secteur local dans une zone d’ombre propice aux interprétations et aux spéculations.
Les experts estiment que la Chine risque ainsi de s’isoler davantage, compliquant la tâche des entreprises, des clients étrangers et des analystes pour comprendre l’évolution réelle du marché.
D'un autre côté, les révélations sur les puces Ascend avaient conduit le gouvernement américain à durcir un peu plus les mesures de restrictions sur les semi-conducteurs contre la Chine, avec une extension récente aux filiales des entreprises chinoises soupçonnées de servir de passerelles pour s'approvisionner malgré tout en puces et technologies interdites.
Si TechInsights poursuivra sans doute ses investigations en dehors du territoire chinois, la raréfaction des données accessibles pourrait freiner la précision des analyses futures. En définitive, la décision de Pékin cristallise le combat pour l’autonomie stratégique des semi-conducteurs et accentue la tension sur la capacité réelle de Huawei à s’affranchir des technologies extérieures.