Depuis plusieurs mois, les tensions technologiques entre les États-Unis et la Chine s’intensifient, notamment autour de la maîtrise des puces électroniques destinées à l’intelligence artificielle.

Dans ce contexte, Washington a mis en place un dispositif inédit : l’intégration secrète de traceurs de localisation dans certains envois de puces AI jugées à risque de diversion illégale vers la Chine.

Ce procédé vise à surveiller et empêcher les transferts interdits qui pourraient alimenter les progrès militaires et civils chinois, face à des restrictions d’exportation renforcées depuis 2022.

Une tactique discrète pour surveiller les exportations

Ces traceurs ne sont pas visibles. Ils sont insérés dans les colis, parfois même directement à l’intérieur des serveurs qui contiennent des puces Nvidia ou AMD, selon plusieurs sources proches de la chaîne logistique, d'après des informations recueillies par Reuters.

Certaines balises sont grosses comme un smartphone, d’autres sont plus petites et dissimulées. Ce procédé reste confidentiel et il s’applique uniquement aux envois ciblés que l’administration américaine considère à haut risque de contournement des régulations.

electronique Gosia K Pixabay

Cette méthode n’est pas nouvelle dans le domaine du contrôle des exportations, mais son application aux semiconducteurs, particulièrement aux puces AI de pointe, traduit le niveau critique des enjeux autour de ces technologies avancées.

Des acteurs majeurs sous surveillance

Parmi les destinations surveillées figurent des envois provenant de grands fabricants et assembleurs comme Dell, Super Micro, et les puces elles-mêmes conçues par Nvidia et AMD.

Ces entreprises n’ont pas commenté directement la présence des traceurs, Dell affirmant ne pas être informé d’une telle initiative. Nvidia et AMD sont restés silencieux ou n’ont pas répondu aux demandes de précisions.

Nvidia H200

Pourtant, de multiples acteurs dans les réseaux de revente connaissent ces dispositifs et prennent le soin d’inspecter les envois pour détecter et retirer les traceurs, craignant des conséquences judiciaires ou financières.

Ce contrôle constitue un véritable bras de fer entre le gouvernement américain et les réseaux de contrebande opérant depuis la Chine.

Un outil pour faire respecter les régulations d’exportation

L’objectif principal des autorités américaines est de rendre plus efficace la détection des détournements illégaux. Ces traceurs permettent de retracer les routes empruntées par les puces interdite à destination de la Chine, facilitant ainsi des enquêtes solides et des poursuites contre les contrevenants.

Les dispositifs sont généralement installés avec l’approbation administrative, voire parfois sous mandat judiciaire, pour que les preuves recueillies soient recevables devant les tribunaux.

Cette pratique a déjà été utilisée dans le passé sur d’autres produits soumis à des restrictions, comme les pièces d’avions, mais son extension au secteur des semiconducteurs témoigne de l’importance des puces AI dans la compétition technologique mondiale.

Des enjeux géopolitiques et économiques majeurs

Le combat autour des exportations de puces avancées ne se limite pas à des questions commerciales. Les puces AI sont considérées comme une technologie à double usage, capable d’accélérer le développement militaire d’un État autant qu'elles servent des projets civils. En bloquant ou en contrôlant leur transfert, les États-Unis espèrent ralentir les avancées chinoises.

Face à ces mesures, la Chine dénonce une « stratégie de freinage » et a même accusé Nvidia de contenir des « portes dérobées », accusations vivement rejetées par la firme américaine. Malgré ces tensions, des négociations et compromis voient le jour, notamment avec des accords pour le partage des revenus liés à certaines exportations sous contrôle.

La stratégie américaine d’intégrer ces traceurs révèle donc plus largement la complexité et la rivalité croissante dans le secteur des semiconducteurs, un marché essentiel à la suprématie technologique.