La tempête n’a pas tardé à s’abattre sur les puces Nvidia H20 destinées au marché chinois : depuis leur retour suite à la levée du bannissement américain, un compte réputé affilié à la télévision centrale chinoise (CCTV) dresse un portrait accablant de ces nouvelles puces d’intelligence artificielle.
Des risques de sécurité, un manque de performances et un impact environnemental douteux, le tout sur fond de rivalité technologique exacerbée entre Washington et Pékin. Dans un contexte commercial tendu, ces interrogations font vaciller la confiance du secteur chinois.
Sécurité controversée : l’ombre des « backdoors »
D’après Yuyuan Tantian, compte et publication affilié à la télévision centrale chinoise, ces puces pourraient comporter des risques liés à la présence de « backdoors » matérielles.
En clair, cette faille permettrait à un tiers de contourner les mesures d’authentification normales ou d'accéder à distance au système. Les médias chinois ne se contentent pas de demander des garanties. Ils attendent des preuves techniques : le People’s Daily exige que Nvidia fournisse des « preuves convaincantes » quant à la sécurité de ses puces afin de rassurer les utilisateurs chinois et regagner la confiance du marché.
Malgré la dénégation de Nvidia qui affirme l’absence de tout accès caché, la pression demeure. Par effet de contraste, la prise de parole chinoise peut être comprise comme un signal politique : inciter les sociétés locales à privilégier les solutions nationales, comme les puces Huawei Ascend.
Performance et écologie : des puces jugées dépassées
Loin de se limiter à la sécurité, l’article du compte Yuyuan Tantian enfonce le clou sur les aspects techniques. Les H20 sont jugées peu performantes par rapport à la référence mondiale, la H200. Leur puissance ne serait qu’une fraction du modèle le plus avancé de Nvidia, résultat d’une conception sacrifiée pour se conformer aux restrictions américaines.
“Quand une puce n'est ni avancée, ni écologique, ni sûre, nous avons le choix de ne pas l’acheter” affirme le média chinois, ouvrant ainsi la porte à un boycott. Forte de sa capacité de pression grâce aux terres rares, la Chine pourrait ne pas vouloir se contenter des puces H20 dont les capacités de traitement restent limitées pour répondre aux exigences de l'embargo américain sur les puces.
Des enjeux géopolitiques au cœur des restrictions
L’histoire des puces H20 s’inscrit dans une rivalité qui dépasse le simple domaine technologique. À l’origine, Nvidia avait développé ce modèle spécialement pour la Chine, suite aux restrictions imposées en 2023 par l’administration Biden.
Mais c’est sous la présidence Trump qu’un ban total a frappé ces composants au printemps 2025, avant que celui-ci ne soit levé deux mois plus tard, signe d’un apaisement provisoire entre Pékin et Washington.
Les régulateurs chinois ne cachent pas leur inquiétude : l’intégration de fonctions de localisation ou de coupure à distance sur les GPU est argumentée par les autorités, en vigueur avec des législations américaines récentes.
Ce débat rappelle la méfiance américaine envers les appareils Huawei : chaque camp soupçonne l’autre d’introduire des moyens de surveillance ou de contrôle dans ses exportations technologiques.
Quel avenir pour Nvidia et le marché chinois ?
La prospérité du marché chinois de l’IA, forte d’une demande colossale, est contrariée. Malgré les critiques, les entreprises chinoises continuent d’acquérir des GPU Nvidia, alimentant aussi un marché noir estimé à plusieurs milliards de dollars chaque trimestre.
Mais la pression politique pourrait accélérer la transition vers des alternatives locales, notamment les puces IA Ascend développées par Huawei (elles-mêmes accusées par les USA de n'être pas sûres) ou les modèles d'IA tels que DeepSeek. Le gouvernement ne cache pas son espoir de pouvoir se passer un jour des technologies occidentales.
Dans cette optique, les médias d'Etat chinois ont beau jeu de critiquer et de chercher à affaiblir l'image des composants de Nvidia, à la fois pour exiger les meilleurs accélérateurs IA du marché et pour mettre en avant les solutions locales.