La Commission européenne a mis un terme à son enquête pour abus de position dominante visant Corning, le fabricant américain des verres renforcés qui équipent la majorité des smartphones. Pour éviter une lourde sanction, l'entreprise a pris des engagements contraignants afin de garantir une concurrence plus juste. Une décision qui a une conséquence de taille : les contrats spécifiques liant Corning à Apple ne sont absolument pas concernés, laissant le champ libre aux deux partenaires.

Un quasi-monopole dans le viseur de l'Europe

L'enquête de Bruxelles, ouverte en novembre dernier, ciblait les pratiques commerciales de Corning. Le régulateur soupçonnait le groupe d'abuser de sa position dominante en imposant des clauses d'exclusivité à ses clients, qu'il s'agisse des constructeurs de smartphones (les Original Equipment Manufacturer ou OEM, c'est-à-dire les fabricants d'équipement d'origine) ou des entreprises de finition du verre. Ces contrats verrouillaient le marché et empêchaient les concurrents du célèbre Gorilla Glass de se faire une place, restreignant le choix et potentiellement faisant grimper les prix pour le consommateur final.

Corning Gorilla Glass

Des engagements stricts pour éviter l'amende

Plutôt que d'infliger une amende, la Commission a rendu juridiquement contraignants les engagements proposés par Corning pour une durée de neuf ans. En cas de manquement, l'entreprise risque une sanction pouvant atteindre 10 % de son chiffre d'affaires mondial. Voici les principales mesures acceptées :

  • Suppression de toutes les clauses d'exclusivité dans les contrats actuels et futurs.
  • Interdiction d'exiger des clients qu'ils achètent une quantité minimale de verre ou qu'ils se fournissent à plus de 50 % auprès de Corning.
  • Les remises ne pourront plus être conditionnées à un volume d'achat minimal.
  • En cas de litige sur ses brevets, Corning s'engage à n'agir que sur la base d'une contrefaçon, et non d'une rupture de contrat.

Ces engagements visent à rétablir une concurrence saine sur le marché.

Corning Gorilla Glass 5

L'exception Apple, le grand gagnant de l'accord

Le point le plus marquant de cette décision est sans doute la mise à l'écart totale d'Apple. La Commission européenne a estimé que les produits développés spécifiquement par Corning pour la firme de Cupertino, comme le fameux Ceramic Shield des iPhone, ne faisaient pas partie du "marché pertinent" examiné. La raison ? Bruxelles considère que ces verres ont des « compositions spéciales et sont exclusivement utilisés par Apple ». Par conséquent, les accords qui lient les deux géants américains ne sont pas affectés par ces nouvelles règles.

Cette issue dessine un paysage contrasté. D'un côté, la plupart des fabricants de smartphones, notamment ceux sous Android, bénéficieront de plus de flexibilité pour choisir leurs fournisseurs de verre. Comme l'affirme la commissaire à la Concurrence, Teresa Ribera, cela « ouvre le marché et garantit que les consommateurs bénéficient de prix bas et de verre de protection de haute qualité ». De l'autre côté, la relation stratégique et exclusive entre Corning et Apple est non seulement préservée mais aussi validée par le régulateur européen, créant une sorte de marché à deux vitesses pour ce composant essentiel de nos appareils.