L'accès à l'espace, démocratisé par des acteurs comme SpaceX et Rocket Lab, a considérablement réduit les coûts de mise en orbite. Cette nouvelle ère a ouvert la porte à une vague d'applications spatiales de nouvelle génération, allant des centres de données orbitaux aux constellations de défense, en passant par les systèmes de communication directs vers les appareils.

Cependant, toutes ces technologies se heurtent à un mur commun, le principal goulot d'étranglement de l'industrie : un besoin massif en énergie fiable, abordable et surtout, évolutive.

Le casse-tête des panneaux solaires traditionnels

Dans l'environnement orbital terrestre, le Soleil représente la source d'énergie la plus évidente et la plus abondante, privée des filtres atmosphériques et du cycle jour-nuit.

Pourtant, l'exploitation de cette ressource est loin d'être simple. Les panneaux solaires actuels, malgré leur efficacité, sont conçus avec de lourdes contraintes terrestres. Ils doivent être extrêmement robustes pour survivre aux rigueurs d'un lancement.

Cette contrainte structurelle impose des mécanismes de déploiement en orbite qui sont non seulement complexes, mais aussi lourds et coûteux, grevant la masse et le volume disponibles pour la charge utile principale.

Chaque gramme et chaque centimètre cube comptent lors des lancements de fusées, et le conditionnement de ces appendices énergétiques est un véritable défi d'ingénierie qui limite la puissance disponible pour les satellites.

ARAQYS : une usine orbitale miniature

Face à cette impasse, la société allemande Dcubed propose une approche radicalement différente avec son système ARAQYS. L'idée n'est plus de déployer des panneaux fabriqués sur Terre, mais de les fabriquer directement dans l'espace.

Dcubed panneaux solairees espace impression 3D

Le processus repose sur une technologie ingénieuse : une fine et très compacte couverture solaire flexible se déroule une fois en orbite. Simultanément, un système d'impression 3D embarqué crée une structure de support rigide directement à l'arrière de cette membrane.

La résine utilisée pour l'impression durcit quasi instantanément sous l'effet du rayonnement ultraviolet intense présent dans l'espace, créant une structure solide sans nécessiter de four ou de traitement complexe.

Cette méthode permet de s'affranchir des contraintes de volume de la coiffe du lanceur et de la robustesse excessive exigée pour le décollage. Selon l'entreprise, cette innovation promet une réduction drastique du coût par kilowatt, ouvrant la voie à des infrastructures orbitales bien plus puissantes.

Une feuille de route ambitieuse vers 2027

Le projet ARAQYS est loin d'être un simple concept. Dcubed a défini une feuille de route précise pour valider sa technologie. Avant la mission principale, deux missions précurseurs sont prévues pour 2026 à bord de lancements SpaceX.

Dcubed Araqys panneaux solaires impression 3D espace

La première consistera à fabriquer une poutre de 60 cm dans le vide spatial, et la seconde, plus ambitieuse, imprimera et déploiera un premier panneau solaire d'un mètre à bord du véhicule de service orbital SpaceVan d'Exotrail. Ces démonstrations initiales sont cruciales pour valider les briques technologiques du système.

L'apogée de cette phase sera la mission ARAQYS-D3, planifiée pour le premier trimestre 2027. Embarquée sur un satellite conçu par Astro Digital, elle visera à fabriquer un réseau solaire de 2kW, une puissance significative qui pourrait déjà alimenter de nouvelles applications comme le transfert d'énergie sans fil ou des plateformes de défense.

Si le succès est au rendez-vous, cette technologie pourrait déverrouiller le potentiel de l'économie spatiale, en alimentant les futurs centres de données orbitaux et les systèmes de transport à haute vélocité qui se profilent à l'horizon.