Le constat dressé par un récent rapport parlementaire est sans appel : les services douaniers français sont submergés. Présidé par Romain Eskenazi et rapporté par Julien Guibert et Antoine Vermorel-Marques, le document met en lumière des chiffres alarmants. En 2024, sur un million de produits importés dans l'Union européenne, seuls 82 colis ont été effectivement contrôlés, soit un taux dérisoire de 0,008 %. La situation en France n'est guère meilleure, avec seulement 0,5 % de l’e-commerce entrant qui passe sous le radar des inspecteurs.

Comment expliquer un tel effondrement des contrôles ?

L'explosion du commerce en ligne est la cause première de cet engorgement. Le volume de petits colis, d'une valeur inférieure à 150 euros, a plus que doublé en quelques années, passant de 279 millions d'unités en 2017 à 775 millions en 2024. À l'aéroport de Roissy–Charles-de-Gaulle, l'un des principaux points d'entrée, 60 % du fret est désormais généré par les géants chinois Shein, Temu et AliExpress. Cette multiplication des petits envois est décrite par les autorités comme une « stratégie volontaire d’embolisation ».

douanes.

Cette tactique consiste à saturer les capacités de contrôle par un volume de paquets si colossal qu'une inspection rigoureuse devient matériellement impossible avec les effectifs actuels. Les douanes et la DGCCRF reconnaissent elles-mêmes être dans l'incapacité de faire face. Cette situation a aussi pour conséquence une perte notable de recettes fiscales, la valeur des marchandises étant souvent minorée pour échapper à la TVA et aux droits de douane, créant une concurrence déloyale envers les entreprises européennes.

Quels sont les risques concrets pour les consommateurs ?

Le manque de surveillance a des implications directes et graves pour la sécurité des consommateurs. Le rapport souligne que lorsque des contrôles sont effectués, les produits se révèlent non conformes dans 96 % des cas. Ces défaillances concernent des normes essentielles de sécurité, de santé et de protection de l'environnement. Le député Julien Guibert n'hésite pas à parler d'un « système à bout de souffle » qui laisse entrer sur le territoire des produits dangereux.

L'UFC-Que Choisir a apporté une preuve édifiante de ce danger. Une de leurs études sur cinquante-quatre chargeurs USB achetés sur ces plateformes a révélé que seuls deux respectaient les normes européennes. Les autres présentaient des risques de brûlure, d'incendie ou de choc électrique. De nombreuses batteries de produits électroniques sont également dépourvues du marquage CE ou contiennent des composants non certifiés, transformant des objets du quotidien en véritables menaces.

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Quelles solutions sont envisagées pour endiguer le phénomène ?

Face à cette situation critique, les parlementaires formulent plusieurs recommandations fortes. La première est d'octroyer davantage de moyens humains et matériels aux douanes et à la DGCCRF. Ils proposent également de généraliser les contrôles extraterritoriaux, en envoyant des inspecteurs directement dans les pays de production comme la Chine pour vérifier la conformité des produits avant même leur exportation, une méthode déjà employée pour le secteur alimentaire.

À l'échelle européenne, des mesures se préparent également. Bruxelles mise sur une grande réforme douanière prévue pour 2028, qui inclura la création d'une autorité douanière européenne et la modernisation des processus. Plus concrètement, une taxe de 3 € sur les colis chinois de faible valeur sera imposée à compter du 1er juillet 2026, une première étape pour rééquilibrer les règles du jeu face à la concurrence jugée déloyale de l'e-commerce à bas prix.