La multiplication des incidents sur des sites militaires stratégiques français prend une nouvelle dimension. Après le survol de la base navale de l'Île Longue dans le Finistère, abritant la dissuasion nucléaire, un autre lieu névralgique de la défense nationale a été visé. L'armée de l'Air et de l'Espace a confirmé que la base de Creil (Oise), véritable centre nerveux du renseignement militaire français, a été le théâtre de plusieurs intrusions aériennes non autorisées durant la dernière semaine de novembre 2025, ravivant les inquiétudes.
Comment les événements se sont-ils précisément déroulés ?
Le principal incident s'est produit dans la nuit du 26 novembre. La présence de plusieurs drones a été formellement avérée par les autorités militaires. Selon des informations concordantes, jusqu'à six appareils auraient été repérés simultanément. Face à cette incursion, l'escadron de protection de la base a ouvert le feu pour tenter de neutraliser la menace, mais il semble qu'aucun engin n'ait été touché ou récupéré.
Vue aérienne de la base 110 de Creil en juillet 2012.
Crédits : Eric Salard / Wikipédia
Pour parfaire le dispositif, un hélicoptère Fennec spécialisé dans la lutte anti-drone a été dépêché sur zone, mais à son arrivée, les appareils s'étaient déjà évanouis. D'autres survols potentiels ont été rapportés les nuits du 28 et 30 novembre, mais les conditions météorologiques difficiles, avec un brouillard épais, n'ont pas permis une « levée de doute irréfutable », créant des confusions possibles avec le trafic aérien de l'aéroport de Roissy tout proche.
Pourquoi la base de Creil est-elle un site aussi stratégique ?
Loin d'être une simple base aérienne, le site de Creil est l'un des plus sensibles de France. Il accueille en son sein la Direction du Renseignement Militaire (DRM), l'un des principaux services chargés de fournir des informations cruciales aux forces armées et aux autorités politiques. Cette intrusion touche donc directement au cœur de la capacité d'analyse et d'anticipation de l'armée française.
En plus de la DRM, la base héberge d'autres entités de premier plan comme le centre de mise en œuvre spatial (CMOS), qui gère les satellites militaires français, et l'unité française de vérification (UFV). C'est un pôle d'excellence technique et de renseignement, ce qui rend tout survol non identifié particulièrement alarmant. Les autorités ont cependant assuré que le site n'a subi aucune dégradation et reste pleinement opérationnel.
Quelles sont les pistes envisagées et les réponses apportées par les autorités ?
L'armée de l'Air et de l'Espace a rapidement réagi en déposant une plainte, et une enquête est désormais en cours pour identifier l'origine et les motivations de ces survols. Pour l'heure, le porte-parole du Service d’informations et de relations publiques de l’armée de l’Air & de l’Espace (SIRPA Air) a indiqué que « tout lien avec des provocations étrangères est à ce stade prématuré », bien que le spectre d'une opération d'espionnage ou d'intimidation plane inévitablement.
Certains experts mettent toutefois en garde contre un emballement médiatique et psychologique. Le général Marc Le Bouil, commandant de la défense aérienne, a récemment évoqué un possible « syndrome du périscope », en référence à une période où de faux signalements de sous-marins soviétiques s'étaient multipliés en Suède, en 1982. La difficulté d'identifier avec certitude un petit aéronef de nuit, sans matériel spécifique, reste un défi majeur pour les forces de sécurité.