La chasse aux fraudeurs du compteur Linky est lancée. Face à une explosion des manipulations depuis la crise énergétique, Enedis a décidé de frapper fort. Mais dans cette traque à grande échelle, la machine semble s'emballer, broyant au passage des consommateurs de bonne foi, accusés à tort de vol d'électricité et sommés de payer des sommes astronomiques.
Pourquoi Enedis a-t-il durci le ton ?
La fraude au Linky est devenue un fléau. Depuis la crise de 2022, les arnaques se sont multipliées, souvent via des "bons plans" sur les réseaux sociaux. La technique la plus courante, l'installation d'un "shunt", permet de dériver l'électricité pour qu'elle ne soit pas comptabilisée. Le préjudice est énorme : Enedis estime à 100 000 le nombre de compteurs trafiqués en trois ans.
Pour stopper l'hémorragie, le gestionnaire a triplé ses contrôles, passant de 12 000 en 2024 à 30 000 prévus en 2025. Surtout, la stratégie a changé : Enedis ne cible plus seulement les cas de fraude "certains", mais aussi les "quasi-certains" et les "probables", augmentant mécaniquement le risque d'erreur.
Comment des consommateurs innocents se retrouvent-ils piégés ?
Le problème, c'est que les algorithmes d'Enedis voient une fraude là où il n'y a qu'un changement de vie. L'UFC-Que Choisir a recensé plusieurs cas ubuesques.
Un retraité se voit accusé car sa consommation a chuté... dans la maison de sa mère décédée, restée vide pendant deux ans.
Un autre couple est suspecté après avoir installé des panneaux solaires, ce qui a logiquement réduit leur prélèvement sur le réseau. Une autre encore a simplement arrêté sa pompe à chaleur durant un automne doux. Dans chaque cas, une explication rationnelle existe, mais la procédure accusatoire est déjà lancée.
Quelle est cette procédure qui inverse la charge de la preuve ?
La méthode d'Enedis est particulièrement anxiogène. Tout commence par un courrier menaçant, annonçant un contrôle pour suspicion de fraude. Souvent, le technicien qui se déplace se montre rassurant, ne constatant aucune manipulation. Mais la machine administrative, elle, continue.
Un second courrier arrive, confirmant la "soustraction frauduleuse d'électricité" et présentant une facture de rattrapage salée, calculée sur la base de profils similaires. L'UFC-Que Choisir dénonce une inversion de la charge de la preuve : c'est au client, abasourdi, de prouver son innocence face à des données techniques qu'il ne maîtrise pas. Enedis demande même de signer un "bordereau rectificatif", ce qui s'apparenterait à un aveu de culpabilité.
Foire Aux Questions (FAQ)
Que faire si je reçois un courrier d'Enedis m'accusant de fraude ?
Ne paniquez pas et surtout, ne signez rien, notamment le "bordereau rectificatif". Rassemblez tous les éléments pouvant justifier une baisse de votre consommation (déménagement, changement d'appareils, installation de panneaux solaires, longue absence...). Contactez rapidement votre fournisseur et une association de consommateurs.
Quels sont les signes qui peuvent alerter Enedis à tort ?
Toute baisse de consommation jugée "anormale" par leurs algorithmes. Cela peut être dû à : l'installation de panneaux solaires en autoconsommation, le passage à un mode de chauffage plus économe (pompe à chaleur, poêle à bois), une longue période d'inoccupation du logement ou encore un changement dans la composition du foyer (départ d'un enfant).
La fraude au compteur Linky est-elle un phénomène important ?
Oui. Enedis estime le préjudice à plusieurs centaines de millions d'euros sur les trois dernières années. Le médiateur de l'énergie confirme que dans la quasi-totalité des litiges qui lui sont soumis, la fraude au compteur Linky est avérée. Les erreurs, bien que réelles et très pénalisantes pour les victimes, resteraient donc minoritaires.