Pour se préparer à analyser le flot de données colossal qui proviendra du télescope spatial Euclid, le consortium en charge de la mission vient de mettre en ligne un outil d'une ambition folle : Flagship 2 (accessible sur CosmoHub), la reconstitution numérique la plus détaillée de notre Univers.

En modélisant l'évolution de 4 000 milliards de particules sur 10 milliards d'années, cette simulation offre un terrain de jeu sans précédent aux astrophysiciens du monde entier pour affûter leurs armes avant de se confronter aux observations réelles qui pourraient bien bouleverser la physique.

Comment a-t-on construit cet univers virtuel ?

Cette prouesse a été réalisée grâce à un algorithme conçu par l'astrophysicien Joachim Stadel de l'Université de Zurich, tournant sur le supercalculateur Piz Daint en Suisse. En partant d'un univers primitif composé uniquement de matière noire, la simulation a calculé l'interaction gravitationnelle de trillions de particules pour former la "toile cosmique" que l'on observe aujourd'hui, avec ses amas et ses filaments.

Dans un second temps, les chercheurs y ont "placé" 3,4 milliards de galaxies, chacune dotée de plus de 400 propriétés (luminosité, forme, couleur...) issues de l'analyse de cartes du ciel existantes. Le résultat est un catalogue d'un réalisme sans précédent.

À quoi sert concrètement cette simulation colossale ?

L'objectif principal de Flagship 2 est de servir de "bac à sable" pour les scientifiques. La mission Euclid va générer une quantité de données astronomiques, et l'analyse de cette masse d'informations est un défi en soi. Grâce à cet univers virtuel, les équipes peuvent tester et valider leurs méthodes d'analyse, identifier les faiblesses de leurs algorithmes et s'assurer qu'ils sont prêts lorsque les premières données massives arriveront.

Mais son rôle le plus crucial est celui de référentiel. En comparant les observations réelles d'Euclid à la simulation, les astrophysiciens pourront débusquer des anomalies, c'est-à-dire des phénomènes que notre modèle actuel de l'Univers ne prédit pas. C'est précisément dans ces écarts que pourraient se cacher de nouvelles découvertes physiques.

Cette simulation remet-elle déjà en cause nos connaissances ?

C'est tout l'enjeu. La simulation est basée sur le modèle cosmologique standard, notre meilleure description actuelle de l'Univers. Or, Joachim Stadel, le créateur de l'algorithme, prévient déjà : "On voit déjà des signes de fissures dans le modèle standard". Ces "fissures" sont exactement ce que les scientifiques espèrent explorer.

L'un des plus grands mystères est la nature de l'énergie sombre, cette force qui accélère l'expansion de l'Univers. Le modèle actuel la considère comme une constante, mais si les données d'Euclid prouvent qu'elle varie dans le temps, c'est tout un pan de la physique moderne qui devra être réécrit. Flagship 2 est donc l'outil qui nous permettra de savoir si nos théories tiennent la route ou si nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère pour la cosmologie.

Foire Aux Questions (FAQ)

Où peut-on accéder aux données de cette simulation ?

Le catalogue, baptisé "Flagship 2 Galaxy Mock", est accessible publiquement via la plateforme en ligne CosmoHub. Cela permet aux chercheurs du monde entier, même sans accès à un supercalculateur, d'explorer cet univers virtuel et de tester leurs propres théories.

Qu'est-ce que la mission Euclid cherche exactement ?

Lancé en 2023, le télescope spatial Euclid a pour mission principale de cartographier la distribution de la matière noire et de l'énergie sombre, les deux composantes les plus mystérieuses de notre Univers, qui représenteraient environ 95% de sa composition totale. En observant des milliards de galaxies sur un tiers du ciel, Euclid vise à comprendre comment l'Univers s'est structuré et pourquoi son expansion s'accélère.

Quand aurons-nous les prochaines données réelles d'Euclid ?

Après une première publication d'images spectaculaires, la prochaine grande livraison de données scientifiques de la mission Euclid est attendue pour le printemps 2026. C'est à ce moment-là que la confrontation entre la simulation Flagship 2 et la réalité cosmique commencera véritablement.