Nous évoquions dès la fin juillet, en même temps que l'annonce des résultats du deuxième trimestre du fabricant, l'intérêt que pouvaient représenter le vaste portefeuille de brevets détenu par Motorola, dans une période où les plaintes se multiplient entre fabricants.
Nous avions également signalé le fait que la propriété intellectuelle des entreprises est en train de regagner une valeur intrinsèque et de redevenir un levier stratégique, éléments qui avaient été un peu oubliés ces derniers temps dans le bilan des sociétés high-tech et qui fait l'objet de réévaluations.
En rachetant directement Motorola Mobility, Google met ainsi la main sur ces précieux brevets avant qu'ils soient vendus à l'occasion d'une enchère, avec le risque de voir se reformer le scénario de celle de Nortel, qui avait vu un consortium se former et payer très cher une propriété intellectuelle que convoitait initialement Google, ce qui a entraîné une salve de critiques de la part des représentants du géant de la recherche.
Comme il l'a fait à plusieurs reprises dans le monde des télécoms, Google prend donc les devants pour ne pas laisser le temps à ses concurrents de réagir...mais aussi avec le risque de fragiliser ses propres alliances.
Android renforcé mais naissance d'autres incertitudes
L'acquisition de Motorola Mobility, fidèle partenaire des premières heures d' Android, même s'il s'agit avant tout de profiter de ses brevets tout en continuant de laisser le fabricant poursuivre ses activités, ne peut manquer d'inquiéter les autres fabricants de terminaux ayant choisi de soutenir Android.
" C'est le pire scénario pour eux. Google est passé de partenaire à concurrent ", résume à Bloomberg Michael Gartenberg, analyste chez Gartner. Car si le rachat s'est fait en concertation avec les fabricants et a reçu leur assentiment, les observateurs imaginent que Motorola Mobility pourrait pourrait par exemple accéder aux dernières versions d' Android avant les autres, lui donnant un avantage concurrentiel.
On se souvient que Google a plusieurs tenté de proposer des " Superphones ", embarquant la dernière version de l' OS mobile et mettant en avant des fonctionnalités particulières. si HTC et Samsung ont été les commanditaires jusqu'à présent, les superphones pourraient être désormais le domaine de Motorola.
Le soutien de Google à Motorola risque aussi de modifier les perspectives de croissance d'autres fabricants, et notamment de HTC, déjà engagé dans une dure bataille juridique avec Apple. La récupération de la propriété intellectuelle de Motorola au profit d' Android est une bonne nouvelle à court terme mais déjà les analystes estiment que des difficultés sont à prévoir dans les deux ans à venir face à un Motorola renforcé.
Même inquiétude possible chez Sony Ericsson, qui a clairement fait d' Android son cheval de bataille, ave l'ambition d'en devenir le principal pourvoyeur à moyen terme. Mais avec des résultats déjà mitigés au deuxième trimestre et une concurrence qui ne cesse de se renforcer, les potentialités de croissance ne cessent de s'amenuiser.
Samsung aussi pourrait revoir sa stratégie, jusqu'à présent fortement tournée vers Android et qui lui a permis de dépasser Nokia en volume de smartphones écoulés ce trimestre. Cependant, le fabricant coréen a l'avantage d'avoir toujours revendiqué une présence multi-plateforme qui ne l'enferme pas dans une seule direction.D'autre part, le fabricant possède son propre OS mobile, Bada, qui pourrait bénéficier d'un soutien renforcé.
Nokia / Microsoft, l'alternative qui devient pertinente
Et pour les autres ? Le rachat de Motorola par Google, en modifiant les équilibres du marché, est en train de faire les affaires du couple Nokia / Microsoft et de Windows Phone, qui apparaît plus que jamais comme l'alternative la plus solide à Android.
Dès l'annonce de l'acquisition, le cours de Nokia en bourse est reparti à la hausse, les investisseurs anticipant un regain d'intérêt des fabricants pour la plate-forme de Microsoft et la possibilité que Nokia en profite indirectement.
On ne manquera pas de retrouver ces prochains mois la rumeur du rachat de Nokia par Microsoft, qui prend encore plus de sens désormais, malgré les démentis de Stephen Elop, CEO du fabricant finlandais.
Peut-être que ce qui pouvait être un deal inavouable au mois de juin est devenu respectable au mois d'août et sera rendu public en septembre. Si Microsoft ne manque pas de brevets mobiles, la propriété intellectuelle de Nokia reste attractive.
D'un autre côté, Microsoft ne veut peut-être pas effrayer d'éventuels fabricants prêts à soutenir Windows Phone par une acquisition de Nokia qui leur laisserait peu de chances de se développer. Toujours est-il que l'année 2011 sera à marquer d'une pierre blanche en matière de macro-stratégie dans l'industrie mobile, avec des équilibres stratégiques modifiés en profondeur.
Publié le
par Christian D.
Journaliste GNT spécialisé en mobilité / Ante-Geek des profondeurs du Web et d'ailleurs
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