En 1987, au Mali, un simple puits d'eau explose à cause d'une cigarette. Un accident improbable qui a mis au jour ce que les scientifiques considèrent aujourd'hui comme une découverte majeure : l'hydrogène naturel, ou "doré".

Longtemps, les experts pensaient que ce gaz ne pouvait pas s'accumuler dans le sous-sol. Cette théorie est aujourd'hui balayée. La Terre est en réalité une gigantesque usine à hydrogène, et les entreprises se lancent désormais dans une course pour cartographier et exploiter ces gisements prometteurs.

Comment la Terre fabrique-t-elle ce carburant ?

Le secret réside dans des réactions chimiques souterraines. Le principal mécanisme, appelé serpentinisation, se produit lorsque de l'eau s'infiltre et interagit avec des roches mantelliques riches en fer et en magnésium, comme la péridotite ou l'olivine. Cette réaction libère de l'hydrogène gazeux en grande quantité. C'est un peu comme si la planète disposait de ses propres réacteurs naturels, fonctionnant en continu depuis des millions d'années. Ce sont des processus géochimiques puissants, capables de soutenir des écosystèmes entiers sans lumière solaire, comme autour des évents hydrothermaux de la "Cité Perdue" dans l'Atlantique.

Hydrogène 02

Un autre processus, la radiolyse, contribue également à cette production. Des éléments radioactifs présents dans certaines roches, comme le granite, émettent des particules qui peuvent littéralement "casser" les molécules d'eau, libérant ainsi de l'hydrogène. Ces phénomènes, combinés, font du sous-sol un creuset inattendu pour un hydrogène naturel qui ne demande qu'à être découvert.

Quel est le véritable potentiel de cette ressource ?

Les estimations sont vertigineuses et bouleversent notre vision des réserves énergétiques. Selon le U.S. Geological Survey, la croûte terrestre pourrait contenir jusqu'à 6,2 milliards de tonnes d'hydrogène. C'est 26 fois plus que les réserves de pétrole connues. En théorie, à peine 2% de ce total suffirait à satisfaire nos besoins énergétiques actuels pendant 200 ans. Ce potentiel énergétique colossal positionne l'hydrogène doré comme un pilier potentiel de l' énergie verte.

Hydrogène 01

Contrairement à l'hydrogène "gris", produit à partir de gaz naturel et responsable de 2,4% des émissions mondiales de CO2, l'hydrogène naturel possède une empreinte carbone quasi nulle. Seule son extraction génère des émissions. Cette ressource offre une voie de décarbonation massive pour des secteurs comme l'industrie lourde (production d'engrais, de méthanol) et les transports, s'inscrivant parfaitement dans les objectifs de la transition énergétique.

Où chercher cet "or" géologique ?

La chasse aux gisements est ouverte, mais elle n'est pas aléatoire. Les géologues ont identifié six conditions clés pour la formation d'un réservoir exploitable. Il faut la présence de roches riches en fer ou radioactives, de l' eau souterraine en abondance, des températures élevées (entre 250 et 300°C), une roche-réservoir poreuse pour stocker le gaz, et surtout, un "sceau" imperméable, comme une couche d'argile ou de sel, pour le piéger.

Ces conditions géologiques se retrouvent sur tous les continents. Aux États-Unis, les forages exploratoires se concentrent sur le Midcontinent Rift, une ancienne faille riche en roches ferreuses. D'autres régions prometteuses incluent les ophiolites d'Oman, des morceaux de croûte océanique charriés sur le continent. La géochimiste Barbara Sherwood Lollar souligne que le Canada, avec sa géologie ancienne, est également un candidat de premier plan. La cartographie de ces zones est devenue un enjeu stratégique mondial.

Foire Aux Questions (FAQ)

Quelle est la différence entre hydrogène "doré", "gris" et "vert" ?

L'hydrogène "doré" ou "blanc" est celui qui est produit naturellement dans la croûte terrestre. L'hydrogène "gris" est le plus courant actuellement ; il est fabriqué à partir de combustibles fossiles (gaz naturel, charbon) via un processus polluant. L'hydrogène "vert" est produit par électrolyse de l'eau en utilisant des énergies renouvelables, ce qui le rend propre mais encore coûteux.

L'extraction de l'hydrogène naturel est-elle vraiment sans impact ?

Bien que le gaz lui-même soit une source d'énergie propre (sa combustion ne produit que de l'eau), son extraction via des forages a une empreinte environnementale, comme toute activité minière. Cependant, cet impact reste infiniment plus faible que celui de la production d'hydrogène gris et évite la consommation massive d'électricité de l'hydrogène vert.

Quelles sont les prochaines étapes pour cette filière ?

La priorité est de passer de la découverte à l'exploitation. Cela implique de multiplier les forages exploratoires pour confirmer le volume des réserves, d'optimiser les techniques d'extraction et de résoudre les défis logistiques liés au transport de l'hydrogène. Si les coûts se révèlent compétitifs, cette filière pourrait connaître un développement fulgurant dans la prochaine décennie.