Face à la montée en puissance des systèmes d'intelligence artificielle, l'Union européenne a décidé de prendre les devants. La Commission a officiellement lancé un canal de signalement destiné à toutes les personnes travaillant de près ou de loin avec des technologies d'IA. L'objectif est simple : permettre à ceux qui sont en première ligne de remonter des informations cruciales sur d'éventuelles violations de l'AI Act, le nouveau règlement européen qui encadre le secteur. Cette initiative vise à identifier en amont les failles qui pourraient porter atteinte à la sécurité, à la santé ou aux droits fondamentaux des citoyens européens.

Comment fonctionne cet outil pour les lanceurs d'alerte ?

Le dispositif prend la forme d'un formulaire en ligne, accessible à tous et disponible dans toutes les langues de l'UE. Il permet de décrire un problème observé et de préciser son lien avec l'entreprise ou le projet concerné. La communication avec les experts du Bureau de l’IA, l'organe de la Commission chargé de superviser l'application de la législation, est entièrement chiffrée pour garantir la confidentialité la plus totale. En signalant des irrégularités qui pourraient autrement passer inaperçues, les lanceurs d’alerte jouent un rôle essentiel.

Ils contribuent directement à rendre l'IA en Europe plus sûre et plus transparente. Le Bureau de l'IA s'engage à fournir une première réponse dans un délai de 14 jours ouvrés. Cet outil est donc conçu pour être un canal direct et réactif, permettant aux autorités d'agir plus rapidement face aux dangers potentiels.

Qui est spécifiquement concerné et quelles protections sont offertes ?

La plateforme s'adresse à un large public au cœur de l'écosystème de l'IA. Cela inclut les employés et ex-employés, mais aussi les collaborateurs indépendants, les actionnaires, les membres de la direction ou même les sous-traitants de fournisseurs de modèles d'IA comme OpenAI, Google, Mistral AI ou encore Meta. Ces personnes sont souvent liées par des clauses de confidentialité très strictes qui, en théorie, les empêchent de divulguer des informations sensibles.

La Commission européenne est claire sur ce point : « Votre position unique vous permet de détecter des irrégularités qui pourraient autrement passer inaperçues ». La principale protection offerte repose sur un anonymat rigoureux. En protégeant l'identité des lanceurs d'alerte, Bruxelles entend les mettre à l'abri de potentielles représailles de la part de leur employeur. La confidentialité est donc la pierre angulaire du dispositif.

Quelles sont les limites et les recommandations pour un anonymat efficace ?

Il est crucial de noter une nuance juridique importante. La protection complète prévue par la directive européenne sur les lanceurs d'alerte, qui offre un bouclier juridique contre les représailles, ne s'appliquera pleinement aux infractions à l'AI Act qu'à partir du 2 août 2026. D'ici là, l'anonymat reste la meilleure garantie. Le Bureau de l’IA encourage donc vivement les signalants à ne pas communiquer d'informations personnelles.

Pour ce faire, Bruxelles a émis une série de recommandations pratiques. Il est conseillé de ne jamais utiliser un appareil professionnel (ordinateur, smartphone) ou le réseau Wi-Fi de son employeur pour effectuer un signalement. De plus, si des documents internes sont partagés, il faut s'assurer qu'ils ne contiennent aucune information permettant d'identifier le lanceur d'alerte ou ses collègues. Cependant, certains signalements liés à la sécurité des produits, à la protection des consommateurs ou à la vie privée peuvent déjà bénéficier de la protection de la directive.