Moins d'une semaine après avoir émis une directive discrète mais lourde de conséquences, le ministère indien des télécommunications vient finalement de retirer son exigence. Les fabricants de smartphones, y compris les plus grands noms de l'industrie, n'auront finalement pas à préinstaller l'application gouvernementale Sanchar Saathi sur tous les appareils vendus dans le pays. Cette volte-face rapide met fin, pour l'instant, à une polémique qui a enflammé le débat sur la protection des données personnelles dans l'un des plus grands marchés mobiles au monde.
Quelle était la nature de cette directive controversée ?
L'ordonnance, initialement communiquée aux industriels, était particulièrement stricte : l'application Sanchar Saathi devait être intégrée au niveau du système sur tous les nouveaux smartphones vendus sur le territoire. Conçue à l'origine comme un outil pour aider les citoyens à lutter contre le vol et la fraude, elle permet de suivre et bloquer les téléphones perdus grâce à leur numéro IMEI (un identifiant unique pour chaque appareil mobile).
Plus inquiétant encore, la directive stipulait explicitement que ses fonctionnalités ne devaient « ni être désactivées, ni restreintes » par l'utilisateur. Cette obligation s'étendait même aux appareils plus anciens, qui auraient dû recevoir le logiciel via une mise à jour forcée. C'est ce caractère obligatoire et non désactivable qui a immédiatement soulevé des craintes légitimes de surveillance généralisée et d'ingérence de l'État dans la vie numérique des citoyens.
Comment la pression s'est-elle organisée contre cette mesure ?
La réaction a été aussi rapide que vigoureuse. Des associations de défense des droits numériques, comme la très active Internet Freedom Foundation, ont immédiatement alerté sur les dangers d'une telle mesure pour la confidentialité des utilisateurs. Elles ont dénoncé une potentielle violation du consentement et un accès jugé excessif de l'État aux appareils des citoyens.
En coulisses, l'industrie a également manifesté son malaise. Des sources ont révélé que plusieurs fabricants s'interrogeaient sur la faisabilité technique et la légalité d'une telle implantation sans base juridique claire. Le point de bascule semble avoir été la position ferme d'Apple, qui, selon plusieurs rapports concordants, aurait prévu de refuser de se conformer à la directive. La politique de l'entreprise américaine interdit en effet la préinstallation d'applications tierces, même gouvernementales, sur ses appareils.
Quelles sont les justifications du gouvernement et les prochaines étapes ?
Officiellement, le gouvernement justifie son revirement par le « succès croissant » de l'application. Le ministère des Communications a déclaré que, face à l'adoption volontaire massive, avec 600 000 nouvelles inscriptions en une seule journée au plus fort de la controverse, l'obligation n'était tout simplement plus nécessaire. Cette justification a laissé sceptiques de nombreux observateurs, qui y voient une manière de sauver la face.
Le ministre des télécommunications, Jyotiraditya Scindia, avait tenté de calmer le jeu en affirmant que l'application était volontaire, une déclaration en contradiction directe avec les termes de la directive initiale. Bien que ce recul soit salué comme une « avancée bienvenue », les défenseurs des libertés en Inde appellent à la prudence. Ils attendent la publication de l'ordre juridique officiel annulant la précédente directive pour confirmer ce changement de cap et s'assurer qu'il est définitif.