Des chercheurs de l'Université de Princeton ont mis au point un nouveau type de qubit supraconducteur affichant un temps de cohérence record, dépassant 1 milliseconde. 

L'informatique quantique, malgré son potentiel immense, bute sur une réalité physique inévitable : l'instabilité de ses unités de base, les qubits. Contrairement aux bits classiques, un qubit peut exister dans une superposition d'états, mais cette propriété est extrêmement éphémère.

La durée pendant laquelle il peut maintenir cette information est appelée temps de cohérence. C'est le principal goulot d'étranglement, car si ce temps est trop court, les erreurs s'accumulent et rendent tout calcul complexe impossible.

Le talon d'Achille de l'informatique quantique

Les géants du secteur, comme Google et IBM, travaillent d'arrache-pied sur des qubits de type "transmon", réputés pour leur relative tolérance aux interférences.

Cependant, prolonger leur durée de vie s'est avéré être un défi colossal. Des études récentes ont montré que la principale limitation ne venait pas de la conception des circuits, mais bien de la qualité des matériaux utilisés pour les fabriquer.

Qubit tantale silicium Princeton

De minuscules défauts de surface dans les métaux ou les substrats peuvent piéger et absorber l'énergie, provoquant une perte d'information quasi instantanée.

Ce phénomène, connu sous le nom de décohérence, est le véritable ennemi des ingénieurs. Pour construire un ordinateur quantique fiable, il est essentiel de disposer de qubits capables de réaliser un grand nombre d'opérations avant de perdre leur état.

  

L'avancée de Princeton marque ainsi le plus grand bond en avant sur le temps de cohérence enregistré depuis plus d'une décennie, en s'attaquant directement à la racine du problème : la matière elle-même.

Un duo de matériaux inattendu pour repousser les limites

L'équipe de Princeton, dirigée par Andrew Houck et Nathalie de Leon, a adopté une stratégie en deux temps. D'abord, ils ont remplacé l'aluminium, traditionnellement utilisé dans ces circuits, par un métal bien plus robuste : le tantale.

Cet élément a la particularité de posséder moins de défauts intrinsèques et de résister à des processus de nettoyage chimique très agressifs, permettant d'éliminer un maximum de contaminants durant la fabrication.

Qubit tantale silicium Princeton 02

Ensuite, les chercheurs se sont attaqués au substrat. Après avoir constaté que le saphir, bien que performant, générait encore des pertes d'énergie, ils se sont tournés vers le silicium de haute pureté, le matériau roi de l'industrie informatique moderne.

Combiner le tantale et le silicium a présenté des défis techniques importants, mais le résultat a dépassé les espérances. Le qubit ainsi conçu a atteint une stabilité record de plus de 1 milliseconde, une durée qui peut sembler courte mais qui représente une éternité à l'échelle quantique.

Des performances exponentielles et un avenir tangible

L'impact d'une telle amélioration est loin d'être linéaire. Selon les chercheurs, intégrer ces nouveaux qubits dans le meilleur processeur de Google, baptisé Willow, améliorerait ses performances par un facteur de 1 000.

Plus impressionnant encore, les bénéfices croissent de manière exponentielle avec le nombre de qubits. Un ordinateur hypothétique de 1 000 qubits basé sur cette technologie serait environ un milliard de fois plus performant que les meilleures machines actuelles.

Google Willow puce quantique

Cette percée rend non seulement les ordinateurs quantiques plus puissants, mais elle facilite aussi considérablement la correction d'erreurs, un autre enjeu majeur du domaine.

Comme le souligne Nathalie de Leon, "le fait que nous ayons montré ce qui est possible dans le silicium rend l'adoption de cette technologie assez facile pour quiconque travaille sur des processeurs à grande échelle". L'horizon d'un ordinateur quantique scientifiquement pertinent d'ici la fin de la décennie semble désormais un peu moins flou.