Les annonces de « premières mondiales » dans le secteur de la tech sont souvent accueillies avec une prudence justifiée, tant les effets d'annonce peuvent parfois masquer une réalité plus nuancée.

À l'instar de la course à la suprématie quantique, où les géants du secteur se disputent les définitions pour revendiquer la victoire, le domaine de l'intelligence artificielle n'échappe pas à cette dynamique concurrentielle.

C'est dans ce contexte de scepticisme éclairé qu'Integral AI tente de se démarquer en posant des bases théoriques solides concernant le développement d'une intelligence artificielle générale (AGI) avant même de présenter ses résultats.

Pour éviter les débats sémantiques stériles, l'entreprise a établi trois qualificateurs fondamentaux pour valider son approche.

Une définition rigoureuse pour une avancée majeure

Selon le communiqué de presse publié par l'entreprise, une véritable AGI doit répondre à des critères d'exigence précis qui dépassent la simple puissance de calcul.

Le premier pilier est l'apprentissage autonome des compétences : le système doit être capable de s'enseigner lui-même de nouvelles tâches dans des domaines inédits, sans recourir à des datasets préexistants ni à une assistance humaine. Cette capacité d'adaptation est cruciale pour distinguer une simple IA spécialisée d'une véritable intelligence générale.

Les deux autres piliers définis par Integral AI concernent la sécurité et la consommation des ressources, des enjeux souvent négligés dans la course à la performance où seul le résultat compte.

La maîtrise fiable implique que l'apprentissage se fasse sans risques catastrophiques, tandis que l'efficacité énergétique impose que le coût énergétique de l'apprentissage soit comparable à celui d'un humain acquérant la même compétence.

En fixant ces limites, la société cherche à prouver que sa propre solution technologique d'AGI est viable à grande échelle et n'est pas un simple prototype de laboratoire énergivore.

Le mimétisme biologique au service de la robotique

Sur le plan technique, l'architecture du modèle développé par Integral AI se veut une réplique fonctionnelle de la biologie humaine. L'entreprise affirme que son système reflète le fonctionnement du néocortex multicouche, cette région du cerveau responsable de la pensée consciente, de la perception et du langage.

Cette structure permet au modèle de construire des représentations internes, de planifier des actions et de les exécuter physiquement, marquant un saut fondamental au-delà des limites des technologies actuelles.

Les essais menés par la firme ont principalement porté sur des robots opérant dans des environnements réels. Selon les rapports, ces machines ont réussi à acquérir de nouveaux comportements et compétences sans aucune supervision directe.

Cette capacité à évoluer en autonomie totale pourrait transformer radicalement le secteur de la robotique industrielle, permettant aux machines de s'adapter aux imprévus sans reprogrammation constante, bien que la vérification indépendante de ces prouesses reste attendue par la communauté scientifique.

Vers une superintelligence incarnée

Derrière cette avancée technique se profile la vision de Jad Tarifi, PDG et cofondateur d'Integral AI, qui a quitté Google après une décennie pour se lancer dans cette aventure.

Le choix d'établir le siège à Tokyo plutôt que dans la Silicon Valley n'est pas anodin ; il répond à une stratégie visant à profiter du leadership incontesté du Japon en matière de matériel robotique.

Pour Tarifi, l'annonce d'aujourd'hui n'est qu'une étape vers une ambition bien plus vaste : une superintelligence incarnée, un but poursuivi par tous les géants de l'IA mais dont la définition élastique permet de faire entrer différentes approches ou conceptions mais aussi des obstacles rencontrés.

L'objectif affiché est d'étendre la liberté et l'agence collective à travers des systèmes capables d'une autonomie réelle. Bien que le modèle soit encore décrit comme étant à ses balbutiements, la trajectoire est claire : passer de l'apprentissage de tâches isolées à une intelligence globale.

Il reste désormais à voir si cette technologie pourra lâcher du lest sur les contraintes théoriques pour s'imposer dans le monde réel avec ses multiples contraintes physiques, ou si elle restera une promesse séduisante dans l'histoire de l'informatique cognitive.