Intel et AMD, concurrents historiques, seraient en discussions préliminaires pour un accord qui semblait impensable il y a peu. L'objectif : qu'Intel fabrique une partie des puces d'AMD dans ses propres fonderies. Ce potentiel partenariat représenterait une victoire majeure pour la nouvelle stratégie d'Intel et son ambition de fonderie.
Dans l'univers des processeurs, la rivalité entre Intel et AMD est une constante depuis des décennies. Historiquement, Intel a toujours fonctionné comme un fabricant de dispositifs intégrés (IDM), concevant et produisant ses propres puces en interne.
De son côté, AMD a adopté un modèle "fabless", se concentrant sur la conception et confiant la fabrication au géant taïwanais TSMC. Mais la réalité économique et géopolitique pourrait bien rebattre les cartes.
La quête de légitimité pour Intel Foundry
Sous l'impulsion de son ancien dirigeant Pat Gelsinger et dont la stratégie est maintenue par le nouveau, Lip-Bu Tan, Intel a lancé une offensive majeure pour devenir un acteur incontournable de la fonderie, un service de production pour des entreprises tierces.
Cette branche, baptisée Intel Foundry, est la pierre angulaire du plan de relance du géant de Santa Clara. Pour réussir, Intel doit absolument attirer de gros clients afin de valider sa technologie, rentabiliser ses investissements colossaux et rassurer le marché.
Dans ce contexte, obtenir la confiance d'AMD serait bien plus qu'un simple contrat ; ce serait un signal fort envoyé à toute l'industrie et capable d'inciter d'autres entreprises à se tourner vers la fonderie d'Intel.
Ce rapprochement s'inscrit dans une dynamique positive pour Intel, qui a récemment accumulé les votes de confiance. Après avoir reçu le soutien de la Maison-Blanche, qui a pris une participation significative, et des investissements de la part de SoftBank et Nvidia, un accord avec AMD confirmerait de manière spectaculaire la pertinence de sa stratégie de fonderie.
Bien que les discussions n'en soient qu'à leurs balbutiements et qu'aucun accord ne soit garanti, la simple nouvelle a suffi à faire grimper l'action d'Intel de près de 7 %.
Un partenariat aux allures de pari calculé pour AMD
Mais pourquoi AMD, au sommet de sa forme, envisagerait-il de confier une partie de sa production à son principal concurrent ? La réponse se trouve dans une équation complexe mêlant diversification des risques et pressions politiques.
Actuellement, AMD dépend massivement de TSMC pour la fabrication de ses puces les plus avancées. Ce partenariat avec Intel offrirait une alternative précieuse, une sorte de plan B en cas de tensions géopolitiques autour de Taïwan.
Wafer avec procédé Intel 18A
De plus, la Maison-Blanche exerce une pression croissante pour relocaliser la production de semi-conducteurs sur le sol américain. En travaillant avec Intel, AMD satisferait cette exigence et se placerait dans les bonnes grâces du gouvernement américain, actionnaire majeur de son nouveau partenaire potentiel.
Il est cependant peu probable qu'AMD transfère immédiatement la production de ses joyaux, comme les processeurs Epyc Venice ou l'architecture Zen 6. La technologie d'Intel est encore perçue comme étant en retrait par rapport à celle de TSMC. La collaboration pourrait donc débuter sur des composants secondaires, comme les puces d'entrées/sorties (I/O die).
Un paysage technologique en pleine redéfinition
Si un accord se concrétise, il validerait la vision de l'ancien PDG d'Intel, Pat Gelsinger, qui rêvait de produire des puces pour tous les géants de la tech, y compris ses rivaux.
Cette alliance de circonstance illustre une tendance de fond : face aux coûts de développement exponentiels et aux incertitudes géopolitiques, même les adversaires les plus farouches doivent parfois lâcher du lest et collaborer. La question d'un investissement direct d'AMD dans Intel, à l'image de ce qu'a fait Nvidia, reste également en suspens.
Ce rapprochement potentiel redessinerait les équilibres de pouvoir dans une industrie vitale pour l'économie mondiale. Alors que les avancées technologiques comme l'intelligence artificielle exigent des capacités de production toujours plus importantes, cette potentielle union montre que les lignes de front ne sont plus aussi clairement définies.
Reste à savoir si ces discussions aboutiront à un partenariat durable ou ne resteront qu'un feu de paille stratégique. L'avenir de la suprématie dans le silicium pourrait bien se jouer dans les mois à venir.