Sur le terrain stratégique de l’intelligence artificielle, la confrontation sino-américaine passe par les performances des modèles d'IA mais aussi par les composants dédiés et les infrastructures cloud.

Pendant que les États-Unis investissent des montants record dans le programme Stargate mené par OpenAI et que les autres géants de l'IA aligne les projets d'infrastructures à plusieurs dizaines de milliards de dollars, la Chine multiplie les annonces autour de son propre “Stargate chinois” pour combler son retard en capacités de calcul géantes.

L’offensive américaine : Stargate, le mégaprojet des data centers

Lancé en 2025, le projet Stargate matérialise l’ambition américaine de dominer l’infrastructure IA. Ce plan porté par OpenAI, Oracle et Softbank prévoit la construction de la plus grande ferme de serveurs intelligents au monde.

Annoncé au début de l'année lors de l'investiture de Donald Trump, il veut bâtir une infrastructure IA de 500 milliards de dollars intégrant des millions de GPU pour propulser les prochains modèles d'IA et parvenir à faire émerger une superintelligence artificielle.

Cette infrastructure colossale devrait garantir aux États-Unis près de 75% de la puissance de calcul mondiale dédiée à l’IA en 2025, creusant l’écart avec Pékin. D’autant que Washington a imposé un embargo strict sur l’exportation de GPU NVIDIA avancés vers la Chine, compliquant d’autant plus la tâche à ses rivaux asiatiques.

Wuhu, l’île de la riposte : 37 milliards de dollars investis dans le Stargate chinois

Face à cette déferlante américaine, la Chine mobilise ses acteurs phares pour bâtir un contrepoids. À Wuhu, une zone agricole de 3 millions de m², surgit un data center titanesque.

intelligence artificielle

L’investissement s’élève déjà à 37 milliards de dollars, avec la participation conjointe de Huawei, China Telecom, Unicom et China Mobile. L'infrastructure à venir vise à offrir une puissance de calcul mutualisée pour l’inférence et la formation de modèles IA à grande échelle, malgré le boycott des puces américaines.

Cette stratégie implique aussi d’optimiser l’existant. Les centres de données “fragmentés” des provinces occidentales sont progressivement reconfigurés pour le calcul massivement parallèle, tandis qu’un réseau maillé relie désormais les clusters autour des mégalopoles (Shanghai, Hangzhou, Guangzhou).

Sous-marins, éoliennes… Pékin innove face aux limites énergétiques

Outre l’expansion rapide, la Chine mise sur l’ingénierie pour se différencier dans la guerre des data centers. Des centres de calcul sous-marins ont ainsi été déployés au large de Shanghai depuis juin 2025.

Chine datacenter immerge

Ces installations tirent parti du refroidissement naturel des profondeurs marines, diminuant la consommation énergétique d’environ 30% par rapport aux data centers classiques. Alimentées à 97% par l’énergie éolienne offshore, ces unités incarnent la réponse écologique et technologique de la Chine aux défis sol et climat face à l’Occident.

D'autres innovations sont à l'étude pour réduire la dépendance à l'eau douce et renforcer les capacités de calcul partagées.

Marché, subventions et ambitions : vers une suprématie IA à la chinoise ?

Derrière la rhétorique concurrentielle, la Chine active tous les leviers pour démocratiser l’accès à la puissance de calcul IA. Le gouvernement propose des subventions massives aux PME, allant parfois jusqu’à 80% des coûts de location d’infrastructures IA selon les villes.

Il propose également des “bons de puissance de calcul” échangeables pour des crédits auprès de data centers locaux, favorisant l’adoption généralisée de l’IA jusque dans les entreprises secondaires.

Simultanément, la Chine impose l’enseignement de l’IA dès l’école primaire et fixe un objectif de 90% d’intégration dans tous les grands secteurs économiques d’ici 2030.

Mais les limites subsistent, notamment en matière de pénurie de puces avancées et d’efficacité des anciens centres de calcul, obligeant parfois à recourir à des circuits de contournement pour s’approvisionner en matériel sous embargo.

Un duel sino-américain ouvert, mais un nouvel équilibre mondial en gestation

Ce bras de fer sur l’infrastructure décide de la capacité de chaque puissance à former ses intelligences artificielles… et à peser sur les standards mondiaux. Si les États-Unis gardent l’avantage avec Stargate, les investissements chinois et leurs innovations “maison” bousculent déjà la donne.

En trame de fond, la mutualisation des ressources et l’accélération de la formation à l’IA visent à garantir un “stock national” de cerveaux, humains et artificiels.

La Chine cherche désormai à s’émanciper à tout prix des technologies sous sanctions et maximiser son potentiel avec des stratégies territoriales originales, tout en gérant les dépenses géantes et les failles de rendement de son parc data center encore hétéroclite

Source : Financial Times