Six à neuf mois. C'est le temps de trajet interminable qu'il faut aujourd'hui pour rejoindre la planète Mars. Un voyage long et périlleux, qui expose les astronautes à des doses de radiations dangereuses. Et si on pouvait réduire ce temps à seulement 90 jours ? Un physicien américain, Jack Kingdon, vient de publier un plan détaillé qui ne relève pas de la science-fiction. Sa méthode : utiliser la technologie qui existe déjà, et la pousser dans ses derniers retranchements.
Comment ce plan permet-il de réduire le voyage de plusieurs mois ?
Le secret est simple : plus de vitesse, donc plus de carburant. Beaucoup plus de carburant. Le plan de Jack Kingdon s'appuie sur la fusée la plus puissante jamais construite, le Starship de SpaceX. Mais même avec ce monstre de puissance, il est impossible de faire le plein sur Terre pour un trajet aussi rapide. La clé de voûte du projet est donc une opération logistique d'une complexité inédite : le ravitaillement en orbite. Il s'agirait d'envoyer une flotte de vaisseaux-citernes pour faire le plein des deux vaisseaux habités une fois qu'ils sont dans l'espace. Une véritable station-service en orbite, nécessitant une quinzaine de vols de ravitaillement pour chaque vaisseau.
Quelles sont les technologies clés à maîtriser pour que cela fonctionne ?
Ce plan audacieux repose sur la maîtrise par SpaceX de deux technologies qui sont encore au stade expérimental à cette échelle. La première, c'est le fameux ravitaillement orbital cryogénique. Transférer des centaines de tonnes de carburant ultra-froid d'un vaisseau à l'autre dans le vide spatial est un défi immense. La seconde est l'aérocapture hyperbolique. Pour arriver à destination, le vaisseau doit freiner brutalement. Au lieu d'utiliser des tonnes de carburant pour cela, l'idée est d'utiliser l'atmosphère de Mars comme un gigantesque frein à air. Une manœuvre extrêmement délicate où le vaisseau "glisse" dans les hautes couches de l'atmosphère pour ralentir.
Ce plan est-il en compétition avec celui de la NASA ?
Oui, il représente une philosophie radicalement différente de celle de la NASA. L'agence spatiale américaine a longtemps misé sur le développement de nouveaux moteurs, notamment la propulsion nucléaire, pour accélérer les voyages vers Mars. Une technologie puissante, mais qui n'est pas encore prête et qui fait face à de nombreux obstacles. Le plan de Kingdon, lui, fait le pari inverse : ne pas attendre une technologie future, mais utiliser la technologie chimique actuelle (le Starship) et la pousser à son maximum grâce à une logistique spatiale ultra-ambitieuse. C'est une vision qui bouscule l'approche plus prudente et planifiée de la NASA.
Plus de précisions
Ce plan est-il vraiment réaliste ?
Sur le papier, les calculs sont bons. Physiquement, c'est possible. Le défi est entièrement logistique et opérationnel. Il dépend de la capacité de SpaceX à réussir un ballet spatial d'une complexité folle : des dizaines de lancements et de rendez-vous de ravitaillement en orbite en un temps très court, sans la moindre erreur.
Qui est Jack Kingdon ?
C'est un physicien et chercheur à l'Université de Californie à Berkeley. C'est lui qui a mené les calculs et publié cette étude dans la revue Scientific Reports, proposant ce nouveau schéma de mission qui a fait grand bruit dans la communauté spatiale.
Quand cette mission pourrait-elle avoir lieu ?
L'étude se base sur des calculs pour la fenêtre de lancement de l'année 2035. La faisabilité de cette date dépendra entièrement de la vitesse à laquelle SpaceX parviendra à rendre le ravitaillement orbital fiable et routinier.