Le discours ambiant voudrait que l'intelligence artificielle soit la nouvelle ruée vers l'or pour les entreprises. Pourtant, en coulisses, la mélodie est bien différente. Selon des informations initialement rapportées par le média The Information, Microsoft éprouverait des difficultés notables à vendre ses solutions IA, au point d'avoir prétendument revu à la baisse les objectifs de ses commerciaux. Une affirmation que le géant de Redmond a formellement démentie, mais qui soulève une question cruciale : l'adoption de l'IA en entreprise est-elle aussi massive qu'on le dit ?

Pourquoi les entreprises hésitent-elles encore ?

Le principal obstacle semble être le décalage entre les promesses marketing et la réalité opérationnelle. Les économies substantielles et les gains de productivité annoncés par des outils comme Copilot peinent à se matérialiser de manière tangible pour de nombreux clients. L'exemple du fonds d'investissement Carlyle est parlant : l'entreprise aurait réduit son utilisation de Copilot Studio suite à des problèmes d'intégration majeurs avec la plateforme Salesforce, notamment sur l'extraction fiable des données.

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Ce scepticisme est renforcé par des données plus larges. Une étude du MIT (relayée par Fortune en août dernier) a révélé que seulement 5 % des projets d'intelligence artificielle dépassent le stade de simple projet pilote. Pour de nombreuses organisations, en particulier dans des secteurs comme la finance ou la sécurité où la fiabilité est non négociable, les erreurs et les « hallucinations » des modèles de langage restent un frein majeur à un déploiement à grande échelle.

Quelles sont les conséquences pour Microsoft et le marché ?

Selon le rapport initial, la situation aurait eu des conséquences directes sur les équipes commerciales. Moins d'un cinquième des vendeurs de l'unité Azure Foundry auraient atteint leurs objectifs de vente pour l'exercice fiscal achevé en juin. En réponse, Microsoft aurait abaissé les exigences de croissance pour certaines équipes, les réduisant parfois de moitié. Cependant, l'entreprise a vivement réagi en publiant un démenti officiel. Un porte-parole a déclaré que le rapport « associe de manière inexacte les concepts de croissance et de quotas de vente » et a affirmé que les quotas globaux pour les produits d'IA n'ont pas été abaissés.

Cette tension illustre une réalité partagée par d'autres géants du secteur. Des acteurs comme Salesforce, Google, Amazon et même OpenAI font face au même défi : convaincre les entreprises traditionnelles d'investir massivement dans des agents autonomes. OpenAI aurait d'ailleurs réduit de 26 milliards de dollars ses propres projections de revenus liées à cette technologie, signe que l'atterrissage est plus complexe que prévu.

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Assiste-t-on à l'éclatement d'une bulle spéculative ?

La situation est paradoxale. D'un côté, les investissements colossaux se poursuivent. Microsoft a engagé près de 35 milliards de dollars en un seul trimestre fiscal et prévoit que ses dépenses vont encore augmenter. Ces investissements sont jugés nécessaires pour construire une infrastructure capable de répondre à la demande future. De l'autre, la lenteur de l'adoption par les clients finaux alimente les craintes d'une bulle spéculative, rappelant à certains le boom des dot-com des années 1990.

Une partie significative de la croissance d'Azure provient en réalité de son client le plus célèbre : OpenAI. Ce dernier achète des capacités de calcul pour des milliards de dollars, créant une sorte d'économie circulaire qui gonfle les chiffres de Microsoft sans forcément refléter une adoption large et diversifiée sur le marché. Pour Microsoft, le véritable enjeu reste « d'évangéliser » les grands comptes, une tâche qui s'annonce bien plus ardue que l'enthousiasme initial ne le laissait penser.