L’annonce est tombée comme un avertissement pour la communauté scientifique mondiale : la NASA est sommée, par une décision politique inattendue, de mettre fin à l’exploitation de deux satellites clés, dont le fameux OCO-2, dédiés à la surveillance du dioxyde de carbone (CO2) et à l’analyse de la santé des cultures terrestres.
Derrière ce geste, ce sont des années de données sur le climat, l’agriculture et la gestion des risques qui risquent de partir en fumée — littéralement, puisque la désorbitation du satellite entraînerait sa destruction dans l’atmosphère terrestre.
Ce que la Maison Blanche demande vraiment à la NASA
D’après de multiples témoignages internes à la NASA et relayés par NPR et Futurism, l’administration Trump a exigé que l’agence américaine élabore des plans de désactivation (Phase F) non pas d’un mais de deux satellites majeurs de mesure du carbone atmosphérique : “Des collaborateurs m’ont transmis des questions pointues sur la fin de mission, signe que des instructions précises leur ont été données, même s’ils ne pouvaient me l’annoncer explicitement”, confie David Crisp, concepteur historique des instruments.
Les missions visées, OCO-2 et OCO-3, fournissent actuellement des données capitales pour la compréhension du changement climatique, la gestion de l’agriculture et la recherche énergétique.
Un outil scientifique irremplaçable menacé
OCO-2, satellite lancé en 2014, s’est rapidement imposé comme la référence en matière de mesure du CO2 à l’échelle planétaire. Grâce à ses instruments sophistiqués, la NASA est capable de cartographier les émissions de carbone avec une précision jamais atteinte auparavant.
Ces données alimentent les recherches sur la dynamique du réchauffement et ses origines mais aussi sur le suivi de la photosynthèse globale, utile pour prévoir sécheresses et rendements agricoles
L’utilisation des relevés OCO par les scientifiques, les agriculteurs, mais aussi les géants de l’énergie, témoigne de leur caractère indispensable. Un audit interne réalisé par la NASA en 2023 soulignait la “qualité exceptionnelle” des informations recueillies, recommandant officiellement la poursuite de la mission pour plusieurs années encore : “Éliminer ces données serait un gaspillage monumental pour la recherche et l’industrie”, préviennent plusieurs experts.
Pourquoi la fin prématurée de la mission choque la communauté
Mais pourquoi une telle décision, alors que le satellite reste parfaitement opérationnel et peu coûteux à entretenir (environ 15 millions de dollars par an) ?
Les justifications avancées demeurent floues, mais beaucoup y voient la continuité d’une orientation politique cherchant à minimiser la visibilité de la problématique du climat dans le débat public américain.
Le budget fédéral pour 2026 prévoit la suppression des financements, et l’administration demande à la NASA d’agir avant même toute validation par le Congrès — ce qui a mené plusieurs experts et élus à dénoncer une possible “illégalité” de la démarche.
Le climatologue Michael Mann va jusqu’à qualifier la décision de “courte vue, visant à faire disparaître le changement climatique de la conscience collective américaine”.
Pressions, alternatives privées et incertitudes pour l’avenir
Face à l’indignation grandissante, des solutions sont à l’étude : la NASA ouvre la porte à des repreneurs privés, voire à un consortium international, pour tenter de pérenniser l’instrument OCO-3 attaché à la Station Spatiale Internationale (ISS).
Pour OCO-2, la fenêtre se referme : si la procédure d’arrêt démarre, le satellite sera perdu à jamais, consumé dans l’atmosphère. Des obstacles juridiques majeurs subsistent pour transférer la gestion d’un satellite américain à des partenaires étrangers, même animés des meilleures intentions.
Le sort de OCO-2 sera peut-être scellé d'ici le 29 août, échéance pour proposer des solutions alternatives. Les défenseurs du satellite vont valoir que le coût de fonctionnement reste très raisonnable par rapport aux 750 millions de dollars investis dans sa conception.
Alors que le Congrès reste en suspens et que la mobilisation scientifique s’intensifie, la question centrale demeure : la politique va-t-elle définitivement primer sur l’intérêt général ?
Dans cette lutte, la perte d’un outil aussi stratégique que l’observation spatiale du CO2 viendrait appauvrir durablement la capacité à suivre l’évolution de notre planète, à l’heure où les extrêmes climatiques s’aggravent et où les enjeux alimentaires deviennent mondiaux.
Une mobilisation de la communauté scientifique et politique
Des voix s’élèvent contre cette décision : des scientifiques à la retraite, des experts en agriculture et de nombreux élus tentent de peser pour le maintien du satellite OCO-2, dénonçant l’urgence d’un sursaut du Congrès.
Si le budget actuel court jusqu’au 30 septembre, une loi de finances prolongée pourrait garantir la survie temporaire de la mission. Mais les délais sont serrés, et la pression de l’administration demeure palpable : “Nous cherchons des mécènes et des fondations, mais déléguer une telle responsabilité n’a pas de sens, ni sur le plan scientifique, ni sur le plan économique”, reconnaît David Crisp.