Pour la première fois, une équipe de physiciens a détecté des neutrinos solaires transformant des atomes de carbone en azote. Réalisée au sein du détecteur SNO+ à deux kilomètres sous terre, cette observation historique ouvre une nouvelle voie pour sonder les secrets de ces insaisissables particules et mieux comprendre les mécanismes au cœur des étoiles.

Ces particules fantômes, nommées neutrinos, sont parmi les composants les plus énigmatiques de la matière. Nées des réactions nucléaires qui animent le cœur de notre Soleil, des milliards de milliards d'entre elles nous traversent chaque seconde sans laisser la moindre trace. Détecter ces particules relève de la gageure, car elles interagissent si rarement avec la matière ordinaire.

Un signal venu des profondeurs de la Terre

Cette avancée a été rendue possible grâce au détecteur SNO+, une installation scientifique de pointe située à deux kilomètres sous la surface. Niché au sein du SNOLAB à Sudbury, au Canada, l'observatoire est construit dans une mine en activité.

Cette profondeur est essentielle pour protéger l'expérience du bruit cosmique et du rayonnement de fond qui, autrement, submergeraient les signaux incroyablement faibles que les chercheurs tentent de mesurer.

Le dispositif est une sphère de 12 mètres de diamètre remplie d'environ 800 tonnes de scintillateur liquide et entourée de 9 000 capteurs ultrasensibles. L'équipe scientifique, menée par des chercheurs de l'Université d'Oxford, a concentré ses efforts sur la détection d'une réaction très spécifique : la collision d'un neutrino solaire avec un noyau de carbone-13, un isotope naturellement présent dans le liquide, le transformant en azote-13.

La signature d'une double coïncidence

Pour isoler cet événement rarissime, les physiciens ont employé une technique astucieuse connue sous le nom de méthode de la coïncidence retardée. Le processus recherché produit un double flash lumineux distinctif.

Le premier éclat se produit lorsqu'un neutrino frappe un noyau de carbone-13, créant un noyau d'azote-13. Ce dernier étant radioactif, il se désintègre environ dix minutes plus tard, émettant un second flash de lumière.

Cette signature en deux temps permet de distinguer avec une grande confiance les véritables interactions de neutrinos du bruit de fond parasite. Au cours d'une période d'observation de 231 jours, entre mai 2022 et juin 2023, l'analyse a révélé 5,6 événements observés.

Ce chiffre correspond de manière frappante aux prédictions théoriques, qui tablaient sur 4,7 événements sur la même durée, confirmant ainsi la validité de la détection.

Quelles sont les prochaines étapes pour la physique des neutrinos ?

Cette observation marque une étape importante pour la physique fondamentale. Elle s'inscrit dans l'héritage de l'expérience SNO précédente, dont les travaux sur l'oscillation des neutrinos ont été récompensés par le prix Nobel de physique en 2015.

Aujourd'hui, les scientifiques peuvent utiliser les neutrinos solaires comme un véritable faisceau de test pour étudier d'autres réactions atomiques rares et mieux modéliser la fusion nucléaire au sein des étoiles.

La capacité à mesurer cette interaction à de si basses énergies ouvre de nouvelles perspectives pour sonder les propriétés de ces particules insaisissables. Les chercheurs de SNO+ espèrent désormais combiner ces résultats avec d'autres mesures de réactions rares pour affiner notre compréhension de l'univers