Sur ses derniers mois de règne, le gouvernement démocrate de Joe Biden aura significativement renforcé les mesures d'embargo et les restrictions commerciales pour empêcher la Chine d'accéder aux dernières technologies de puces, de leur conception à leur production en passant par les approvisionnements des composants électroniques les plus avancés.

Les Etats-Unis cherchent ainsi à boucher les trous du dispositif actuel et durcissent les mesures concernant l'accès aux puces de certains domaines sensibles comme le quantique ou l'intelligence artificielle.

Un nouveau paquet de mesures a été présenté ce lundi visant particulièrement l'IA, domaine en plein développement, prisé de la Chine et qui demande des puces puissantes pour alimenter les grands modèles d'IA.

Pour essayer d'empêcher le contournement des dispositions via les marchés gris et noir d'entreprises intermédiaires opérant pour les grands groupes chinois visés, les nouvelles mesures vont limiter le nombre de composants IA pouvant être exportés vers des pays tiers, avec au contraire un accès privilégié pour les alliés proches des Etats-Unis, représentés par une liste d'environ 18 pays (dont la France).

Pour 120 pays "neutres", des droits de douane supplémentaires et des complications réglementaires par des autorisations spéciales sont à prévoir. Et pour les autres, l'embargo sera effectif.

Entre sécurité nationale et mise à l'écart de la concurrence

Les Etats-Unis ont bien compris qu'un certain nombre de pays servent d'intermédiaires et ont multiplié les volumes de certaines puces ces dernières années pour les revendre aux pays sur liste noire, essentiellement la Chine, la Russie et la Corée du Nord.

Plus globalement, il s'agit aussi de maintenir la domination des Etats-Unis dans le secteur, comme l'a ouvertement indiqué la secrétaire d'Etat au commerce Gina Raimondo, en première ligne de ces prises de décision.

L'administration Biden n'aura pas ménagé ses efforts pour renforcer les blocages initiés par Donald Trump lors de son précédent mandant et s'efforcer de minimiser les failles dans l'embargo.

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On peut penser que le nouveau gouvernement Trump poursuivra ces efforts qui sont aussi un moyen de peser dans les négociations avec ses différents interlocuteurs, alliés proches et plus lointains comme adversaires.

Mais cela ne va pas forcément faire les affaires des grands groupes américains concepteurs et producteurs des composants IA réclamés par le monde entier. Il va falloir encore jongler avec les limitations de performance et proposer des produits adaptés.

De fait, les géants américains tels que Nvidia et AMD ont perdu entre 2 et 3% en Bourse à la suite de l'annonce, rapporte Reuters, dans la perspective des nouvelles difficultés à affronter pour écouler les puces.

Ils ne seront pas les seuls puisque les grands fournisseurs d'infrastructures cloud, comme Microsoft, Google et Amazon devront aussi respecter des consignes en matière de construction de datacenters mais ils auront ensuite des facilités pour acheminer les composants une fois leur projet validé.

Les entreprises américaines empêtrées dans la régulation

Toutes ces nouvelles règles tournent un peu à l'overdose, font valoir les intéressés comme Nvidia, alors que les technologies que veulent bloquer les autorités sont déjà largement présentes dans les PC gaming et les composants grand public, ce qui complique leur suivi et la capacité à suivre leur diffusion.

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La crainte est aussi de voir les marchés bloqués par la réglementation US se tourner vers des solutions alternatives, notamment chinoises, au risque de faire perdre du terrain et des parts de marché aux entreprises américaines.

La bataille se jouera aussi sur le terrain du déploiement des capacités. Les fournisseurs d'insfrastructure et de datacenters devront déployer au moins la moitié de leur puissance de calcul IA aux Etats-Unis, pas plus de 25% de cette puissance totale dans un même pays allié et pas plus de 7% dans un pays non allié.

Autant dire que les Etats-Unis comptent bien garder la main sur l'essor des capacités d'intelligence artificielle en jouant sur tous les tableaux et qu'il va être difficile aux autres blocs géographiques de simplement chercher à s'aligner sur leur avance.

Source : Reuters