Sans tambour ni trompette, l’Ukraine vient d’inscrire son nom au palmarès de l’innovation télécom mondiale. À travers le partenariat entre Kyivstar – le poids lourd des opérateurs mobiles locaux – et Starlink de SpaceX, le pays vient de tester la technologie Direct-to-cell (D2C), capable d’offrir de la connectivité sur smartphone même lorsque les réseaux classiques tombent.
L'Ukraine s'apprête à devenir le premier pays, après les Etats-Unis, à adopter cette technologie qui ne rendra plus les communications mobiles dépendantes de réseaux terrestres, ces derniers pouvant être détruits ou passer sous contrôle ennemi.
Une technologie satellite qui abolit les zones blanches
Starlink, le réseau miliers de satellites de communications en orbite basse déployé par SpaceX, a déployé une innovation qui bouleverse la donne : il s’agit de satellites dotés de modems cellulaires, véritables tours de téléphonie spatialisées, qui permettent à un simple smartphone 4G d’envoyer des messages sans dépendre du réseau terrestre.
Comme le souligne Mykhailo Fedorov, ministre ukrainien de la transformation digitale : « Cette technologie permet aux Ukrainiens de rester connectés même sans couverture réseau, via SMS ».
Un test dans la région de Jytomyr a permis aux responsables gouvernementaux et à Oleksandr Komarov, PDG de Kyivstar, d’échanger leurs premiers messages par satellite avec des téléphones du quotidien.
Le système Direct-to-cell s’appuie sur plus de 600 satellites nouvelle génération déjà actifs et sur la constellation Starlink appelée à s’étendre et ne nécessite pas d’appareils spécialisés : une carte SIM Kyivstar et un smartphone 4G suffisent.
Un enjeu stratégique en temps de guerre
Si l’adoption du direct-to-cell en Ukraine suscite autant d’intérêt, c’est qu’elle répond à une réalité brutale : les attaques russes contre les infrastructures ont fréquemment paralysé les réseaux mobiles, privant des millions de citoyens de moyens de communication.
Selon le communiqué de Kyivstar, cette avancée vise à « garantir une connexion fiable à toute épreuve : coupures de courant, catastrophes, même présence de mines ».
Le test s’avère d’autant plus opportun que Kyivstar a déjà subi une cyberattaque majeure en 2023, coûtant près de 100 millions de dollars et perturbant durablement le réseau mobile national.
En temps de guerre, la possibilité de rester joignable, grâce à une technologie satellite « sans frontières », devient stratégique. Le directeur de Kyivstar salue ainsi la collaboration exemplaire entre État, secteur privé et innovateurs, pour une connectivité qui ne dépend plus des aléas terrestres.
Un fonctionnement simple et sans matériel supplémentaire
La technologie Direct-to-cell brise une barrière longtemps dressée par les solutions satellites conventionnelles : aucun besoin d’antenne dédiée, de routeur spécifique ou d’équipement complexe.
Un smartphone compatible 4G, une carte SIM Kyivstar, une vue dégagée sur le ciel : tel est le nécessaire pour envoyer un SMS dans une zone isolée, être joignable en montage ou lors d’une panne généralisée.
La technologie Starlink promet des perspectives plus larges : après les messages textes et les appels, des services vidéo et de données devraient arriver, à mesure que les capacités du réseau de satellites s’élargissent.
La commercialisation est prévue pour l’automne 2025, avec une phase de test gratuite tandis que les ingénieurs de Kyivstar poursuivent leurs essais pour optimiser la compatibilité des smartphones et la vitesse des échanges satellites.
Conséquences à long terme pour le secteur télécom et l’économie ukrainienne
Outre les enjeux de sécurité, la réussite ukrainienne dans les télécoms étoffe le dynamisme d’un secteur souvent malmené par le conflit.
Kyivstar ambitionne d’être la première entreprise ukrainienne cotée au Nasdaq, espérant lever jusqu’à 200 millions de dollars pour soutenir ses investissements dans les nouvelles technologies.
Ce pas de géant permettra une couverture uniforme du pays, qu’il s’agisse de régions rurales, de zones ravagées par la guerre ou de lieux isolés. L’infrastructure télécom hybride terreste / satellite pourrait aussi stimuler d’autres secteurs liés à la sécurité, à la santé ou à l’éducation digitale.
Vers une nouvelle norme mondiale ?
L’exemple ukrainien préfigure-t-il une généralisation mondiale de la connexion mobile directe par satellite ? Les partenariats signés par Starlink avec des opérateurs dans dix pays ouvrent la voie à une couverture globale, alors que la demande explose pour des solutions permettant de résoudre le problème des zones blanches.
Le déploiement progressif des tests dans toute l’Ukraine et la promesse d’un service accessible via des téléphones du quotidien marquent une rupture avec les communications traditionnelles.
L'Ukraine avait déjà profité dès le début du conflit avec la Russie en 2022 de terminaux Starlink pour un accès internet fixe de substitution destiné à maintenir les communications au sein de la population mais qui sert également à faire transiter des communications militaires, mais sans aller jusqu'à des usages offensifs comme le guidage de drones.