Avec plus de 7 000 satellites déjà en orbite et des ambitions affichées pour des dizaines de milliers d’unités additionnelles, Starlink s’est imposé comme le géant incontesté des communications spatiales et une référence dont l'avance technique, dans les capacités mais aussi dans le mode de déploiement à l'aide de fusées réutilisables, sera difficile à rattraper avant un moment.
Le réseau de communication par satellite piloté par SpaceX bouleverse les équilibres stratégiques mondiaux, en particulier depuis son rôle crucial dans les opérations militaires ukrainiennes.
Face à cette influence inédite, la Chine multiplie les initiatives pour endiguer la domination d’Elon Musk — une rivalité qui façonne désormais le nouveau visage de la guerre technologique et informationnelle dans l’espace.
La montée rapide de Starlink et ses implications militaires
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, Starlink a démontré toute la puissance des constellations satellitaires en matière de communication sécurisée et de coordination tactique.
Plus de 42,000 terminaux ont été déployés sur le terrain, permettant aux soldats ukrainiens et à la population civile de rester connectés malgré les interruptions des réseaux traditionnels.
Ce succès a révélé une réalité géostratégique nouvelle : la dépendance à une infrastructure privée, contrôlée essentiellement par Elon Musk et son entreprise, pour l’accès à des services vitaux lors de conflits majeurs.
La dimension militaire du réseau de satellites et son intégration possible dans les dispositifs de communication des armées et des services de renseignement (l'Italie s'y est intéressée pour ses communications gouvernementales sécurisées, par exemple, créant un tollé), font que des nations le voient comme une menace potentielle qu'il conviendra de neutraliser si nécessaire.
Les scénarios offensifs envisagés par la Chine contre Starlink
Consciente de la vulnérabilité potentielle représentée par la concentration du pouvoir satellite entre les mains de SpaceX, la Chine a accéléré ses propres recherches offensives.
Plusieurs équipes de chercheurs affiliés à l’armée et à des organismes civils ont publié des plans détaillés pour contrer Starlink, en explorant une pluralité de tactiques, rapporte l'Associated Press.
Pour mettre à mal Starlink, les méthodes envisagées suivent deux grands axes :
- Sabotage de la chaîne d’approvisionnement : Plus de 140 fournisseurs travaillant pour SpaceX constituent, selon des chercheurs chinois, un talon d’Achille possible en matière de cybersécurité et d’interférences techniques
- Attaques physiques ou énergétiques : Des satellites chinois pourraient suivre et perturber les satellites Starlink en générant soit des matériaux corrosifs pour endommager le matériel, soit en bloquant les panneaux solaires, voire en utilisant des lasers à haute énergie pour cibler les composants sensibles
Proposée par une équipe militaire, la mise en orbite de satellites « espions », capables de collecter des informations sur les satellites Starlink et de les cibler lorsque nécessaire, s’inscrit dans une logique de compétition directe pour le contrôle de l’espace proche de la Terre.
Intelligence artificielle et nouvelles armes spatiales : l’audace des scientifiques chinois
Certaines simulations menées par des universités et des laboratoires chinois reposent sur des algorithmes inspirés de la stratégie de chasse des baleines, permettant à une poignée de satellites d’encercler et désactiver simultanément plus d’un millier de satellites Starlink en une douzaine d’heures.
Ce modèle coordonné réduirait la complexité opérationnelle et optimiserait l’énergie déployée lors d’une attaque — une avancée qui montre aussi l’intégration croissante de l’intelligence artificielle dans les stratégies militaires spatiales.
Les chercheurs évoquent aussi l’usage du Relativistic Klystron Amplifier (RKA), une arme à micro-ondes de forte puissance capable de perturber l’électronique embarquée, ou l’expérimentation de lasers à rayons X issus des recherches américaines en défense.
Dans tous les cas, la multiplicité des méthodes démontre la complexité de l’enjeu : la résilience de la constellation Starlink, qui compense toute perte individuelle par la redondance du réseau.
Un basculement mondial : souveraineté technologique et dépendance privée
Cette course à l’armement spatial n’est pas sans provoquer une vague de critiques et d’inquiétudes parmi les alliés traditionnels des États-Unis, comme l’Union européenne ou Taïwan.
Plusieurs nations planchent désormais sur des programmes de satellites indépendants, (Thousand Sails et Guowang en Chine, IRIS2 en Europe...) pour se prémunir contre les décisions unilatérales d’un dirigeant privé et réduire la dépendance vis-à-vis des infrastructures américaines.
Pour autant, « la menace Starlink », évoquée à de multiples reprises par les chercheurs chinois, illustre surtout l’émergence d’un nouveau théâtre d’affrontements hybrides où la frontière entre civil et militaire, public et privé, se brouille davantage chaque année.
Les implications de ce bras de fer s’étendent bien au-delà du contexte sino-américain : elles dessinent l’avenir de la souveraineté technologique et de la sécurité globale à l’ère des réseaux satellitaires.
L'orbite basse terrestre devient de plus en plus une extension possible des théâtres d'opération militaires et sa protection ou son occupation sont désormais ciblées dans les doctrines militaires, tandis que la recherche sur les armes anti-satellites (ASAT) dépasse le cadre des missiles pour imaginer de nouvelles tactiques de neutralisation, avec le risque de générer une escalade porteuse de conflit ouvert.