Taïwan rejette fermement la proposition américaine d'un partage à 50/50 de la production de semi-conducteurs. Cette décision, confirmée par la vice-Première ministre Cheng Li-chiun, souligne les tensions entre la stratégie de sécurité nationale de Washington et l'autonomie économique de l'île, gardienne de son précieux "bouclier de silicium".

Au cœur de cette pomme de discorde se trouve une dépendance technologique que les États-Unis jugent désormais intenable. La quasi-totalité des puces électroniques de pointe, indispensables à l'économie moderne comme à la défense, est fabriquée sur une île que la Chine considère comme son territoire.

Cette concentration géographique est perçue comme une vulnérabilité majeure par l'administration américaine, qui cherche par tous les moyens à relocaliser une partie de cette production stratégique sur son sol.

Une proposition américaine aux allures d'ultimatum

La pression insistante de Washington a été publiquement formulée par le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick. Son idée, présentée comme une conversation avec Taipei, est simple : atteindre un équilibre "50-50" où les États-Unis produiraient la moitié des semi-conducteurs dont ils ont besoin.

Derrière cette vision se cache une ambition plus large, celle de ramener la production domestique à environ 40 % à court terme, un projet colossal estimé à plus de 500 milliards de dollars d'investissements locaux.

Pour l'administration américaine, il ne s'agit pas seulement d'un enjeu économique, mais bien d'une question de sécurité nationale. L'objectif avoué est de réduire drastiquement la dépendance vis-à-vis d'une chaîne d'approvisionnement lointaine et potentiellement fragile. Howard Lutnick a été clair : il est vital pour les États-Unis de fabriquer leurs propres puces pour ne plus dépendre de livraisons par avion ou par bateau en cas de crise.

La réponse ferme et unanime de Taïwan

La réponse de Taipei, par la voix de la vice-Première ministre Cheng Li-chiun, a été sans équivoque au retour de négociations commerciales avec les États-Unis. Non seulement un tel arrangement n'a jamais fait l'objet d'un engagement, mais il n'a même pas été discuté durant les pourparlers officiels, qui se concentraient sur les barrières tarifaires. Le gouvernement taïwanais a qualifié cette condition de contraire à l'esprit de coopération entre les deux partenaires.

Cette position a provoqué une rare unanimité politique sur l'île. Les principaux partis d'opposition, le Kuomintang (KMT) et le Taiwan People's Party (TPP), ont dénoncé une manœuvre s'apparentant à de "l'exploitation" et du "pillage".

Pour eux, céder à cette demande reviendrait à "vider la substance du secteur technologique taïwanais". La conclusion est claire : personne ne peut brader ni Taïwan, ni son champion national, le géant TSMC.

Le "bouclier de silicium", un enjeu au-delà de l'économie

Cette passe d'armes ravive le débat autour de la célèbre théorie du bouclier de silicium, qui voudrait que la domination de Taïwan sur le marché des puces la protège d'une action militaire directe de la Chine.

Un argument balayé par Howard Lutnick, qui soutient au contraire qu'une production mieux répartie rendrait Taïwan plus facile à défendre, car les États-Unis ne seraient plus paralysés par la crainte de perdre leur unique source d'approvisionnement.

Cette rhétorique fait écho aux déclarations passées de Donald Trump, qui avait accusé Taïwan de "voler" le business des puces et exigé une contrepartie financière pour la protection militaire américaine.

Bien que TSMC ait déjà engagé des investissements massifs aux États-Unis, avec 165 milliards de dollars prévus, notamment en Arizona, l'essentiel de sa production et de son savoir-faire restera à Taïwan. Les négociations commerciales se poursuivent, mais sur ce point précis, Taipei a tracé une ligne rouge, déterminée à conserver les clés de sa souveraineté technologique et stratégique.