Face aux restrictions croissantes imposées par la Chine sur les métaux stratégiques, l'Union européenne déploie son plan de bataille baptisé RESourceEU.

Avec la création d'une centrale d'achat commune et un fonds de plusieurs milliards d'euros, Bruxelles tente de reprendre la main sur une souveraineté industrielle menacée, misant sur le recyclage et la diversification forcée.

Un pilote unique pour coordonner la riposte

L'Europe ne peut plus se permettre de naviguer à vue face à un rival géopolitique qui contrôle près de 98 % du raffinage mondial de ces ressources. Pour pallier cette vulnérabilité structurelle, la Commission a annoncé la création d'un Centre européen des matières premières critiques dès le début de l'année 2026.

Ce nouvel organisme, véritable tour de contrôle, aura la lourde tâche de monitorer en temps réel les besoins des États membres pour éviter les ruptures brutales.

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Inspirée par la gestion de la crise sanitaire, cette structure pilotera également des achats groupés pour le compte des Vingt-Sept, permettant de peser davantage dans les négociations internationales.

L'objectif est de constituer des stocks stratégiques et de connecter les industriels avec des fournisseurs alternatifs, réduisant ainsi mécaniquement l'exposition aux caprices de l'Empire du Milieu.

C'est une réponse directe aux récentes tensions sur le gallium ou le germanium, où l'absence de coordination avait failli coûter cher à l'industrie européenne.

L'argent du recyclage et le verrouillage des déchets

Au-delà de la logistique, le nerf de la guerre reste le financement des infrastructures locales. Stéphane Séjourné a confirmé la mobilisation immédiate de près de 3 milliards d'euros, via la Banque européenne d'investissement et le programme InvestEU.

Ces fonds cibleront en priorité trois secteurs vitaux : la défense, les batteries électriques et les aimants permanents. Des projets concrets, comme une mine au Groenland ou un site d'extraction de lithium en République tchèque, ont d'ores et déjà été fléchés pour bénéficier de cette manne.

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Cependant, extraire ne suffit pas si la matière première repart aussitôt vers les fonderies asiatiques. Pour contrer cette fuite de valeur, Bruxelles va instaurer des restrictions drastiques à l'exportation des déchets métalliques, le fameux "scrap".

Dès le printemps 2026, les rebuts d'aluminium et d'aimants devront être traités sur le sol européen. Cette mesure vise à stimuler artificiellement une filière du recyclage encore balbutiante, qui peine aujourd'hui à atteindre l'objectif de fournir 25 % de la consommation de l'Union. C'est un pari industriel majeur pour conserver la matière sur le Vieux Continent.

La fin de l'ingénuité pour les industriels

Cette stratégie de "derisking" implique une remise en question profonde des habitudes d'achat des entreprises, souvent tentées par les tarifs imbattables des fournisseurs asiatiques.

La Commission se montre claire : la diversification des approvisionnements n'est plus une option, mais une nécessité de survie économique. Les industriels devront accepter de payer un tarif "premium" pour des matériaux produits localement ou chez des partenaires fiables, le prix de la sécurité à long terme.

Si l'incitation ne suffit pas, l'exécutif européen n'exclut pas de passer par la voie législative pour contraindre les acteurs les plus exposés. Maros Sefcovic et ses collègues attendent que les grandes filières "jouent le jeu" en s'engageant à ne plus s'approvisionner à 100 % en Chine.

L'audit des chaînes de valeur deviendra la norme, car comme le soulignent les experts, le coût de l'indépendance restera toujours inférieur à celui d'un arrêt complet des usines.