La domination mondiale dans le secteur de l'intelligence artificielle repose presque en bonne partie sur la puissance de calcul brute, un domaine où Nvidia règne en maître.

Les puces graphiques (GPU) de l'entreprise sont devenues l'infrastructure indispensable pour entraîner les grands modèles de langage (LLM) et les systèmes d'IA complexes.

Depuis des mois, les tensions montent entre Washington et Pékin, les États-Unis cherchant à freiner les avancées militaires et technologiques chinoises en limitant leur accès aux semi-conducteurs de pointe. C'est dans ce climat que s'inscrit la nouvelle doctrine.

Une exclusivité américaine revendiquée

L'annonce a été faite sans détour. Lors d'une interview enregistrée pour l'émission "60 Minutes" sur CBS et confirmée lors de commentaires aux journalistes à bord d'Air Force One, Donald Trump a été très clair.

Les puces Nvidia les plus avancées de la nouvelle génération, dotées de l'architecture graphique Blackwell, seront réservées à un usage domestique.

Nvidia Blackwell TSMC USA Arizona

"Les plus avancées, nous ne laisserons personne les avoir à part les États-Unis", a-t-il déclaré, ajoutant : "Nous ne donnons pas cette puce à d'autres gens." C'est une posture bien plus stricte que les précédentes restrictions à l'exportation, qui définissaient des seuils de performance plutôt qu'une interdiction géographique aussi large.

La Chine dans le viseur, les alliés dans l'incertitude

Si la Chine est la cible évidente de cette mesure, les déclarations de Trump sèment le doute sur le sort réservé aux autres nations. Qu'en est-il des alliés stratégiques ?

La question est brûlante. Ironiquement, cette annonce intervient quelques jours seulement après que Nvidia a confirmé une commande massive de plus de 260 000 puces Blackwell destinées à la Corée du Sud, notamment pour des géants comme Samsung Electronics.

Cet accord, vital pour l'innovation sud-coréenne, est désormais plongé dans l'incertitude la plus totale. Le président américain a toutefois nuancé son propos concernant Pékin, n'excluant pas totalement une version dégradée pour ce marché. "Nous les laisserons traiter avec Nvidia, mais pas en ce qui concerne les plus avancées", a-t-il précisé à CBS.

Réactions contrastées et inquiétudes chez Nvidia

À Washington, les conseillers anti-Chine ont applaudi la décision. Le représentant républicain John Moolenaar, qui préside la commission spéciale sur la Chine, a utilisé une métaphore frappante, comparant la vente de ces puces à Pékin à "donner de l'uranium de qualité militaire à l'Iran".

Reseau Chine

Du côté de Nvidia, l'ambiance est plus mesurée. Le PDG, Jensen Huang, a récemment indiqué que l'entreprise n'avait pas sollicité de licences d'exportation pour la Chine, citant la réticence actuelle de Pékin à collaborer.

Il a cependant aussi averti que l'accès au marché chinois était nécessaire pour financer la coûteuse recherche et développement basée aux États-Unis. Ce blocage total pourrait donc, à terme, compliquer les ambitions d'innovation de l'entreprise américaine elle-même.

La formalisation de ces nouvelles règles d'exportation est désormais attendue pour clarifier la distinction précise entre les puces "avancées" et les versions "dégradées" autorisées à l'étranger.