Face à l'expansion internationale de son champion TSMC, notamment aux États-Unis, le gouvernement taïwanais envisage de durcir drastiquement ses règles d'exportation technologique.

En passant d'une politique « N-1 » à une politique « N-2 », l'île entend s'assurer que ses technologies les plus avancées ne quittent jamais son territoire, un mouvement qui pourrait sérieusement compliquer les ambitions américaines.

Le géant des semi-conducteurs a longtemps été le pilier de l'économie et de la stratégie de défense de l'île, souvent qualifiée de « bouclier de silicium ».

L'expansion agressive de TSMC à l'étranger, et plus particulièrement son investissement massif en Arizona, a cependant soulevé des inquiétudes à Taipei. La crainte principale est une dilution du leadership technologique taïwanais et un transfert de compétences qui affaiblirait la position stratégique du pays.

Un changement de cap stratégique : de N-1 à N-2

Jusqu'à présent, la politique de Taïwan reposait sur une règle dite « N-1 ». Celle-ci autorisait l'exportation de technologies de production de puces qui avaient au moins une génération de retard sur le procédé le plus avancé utilisé localement.

Cependant, les autorités envisagent désormais un durcissement significatif avec l'instauration d'une règle « N-2 », comme l'ont confirmé des officiels du Conseil national des sciences et des technologies.

Nvidia Blackwell TSMC USA Arizona

Cette nouvelle doctrine imposerait que seuls les procédés accusant deux générations de retard puissent être déployés à l'étranger. Concrètement, si TSMC développe des puces gravées en 1,4 nanomètre sur le sol taïwanais, il ne pourrait exporter que la technologie de 1,6 nanomètre, voire une plus ancienne.

Cela représente un décalage potentiel de deux à quatre ans, un véritable gouffre dans la course à la finesse de gravure qui rythme le secteur.

Quelles conséquences pour l'expansion américaine de TSMC ?

L'impact le plus direct de cette mesure concernerait les usines américaines de TSMC, notamment le site de Phoenix en Arizona. Ce projet, soutenu à grand renfort de subventions par Washington, vise à relocaliser une partie de la production de puces avancées sur le sol américain.

La règle « N-2 » pourrait ralentir considérablement le déploiement des nœuds de production les plus récents dans ces nouvelles installations.

TSMC roadmap gravure puces

De plus, les responsables taïwanais ont précisé que tout futur investissement de TSMC aux États-Unis serait examiné avec la plus grande attention. Les projets dépassant un certain seuil devront obtenir l'aval de la Commission d'investissement du ministère de l'Économie, qui intégrera désormais des critères de sécurité nationale à son analyse, en plus des considérations purement industrielles.

La « forteresse silicium » : un enjeu de souveraineté nationale

Cette décision illustre la volonté de Taïwan de protéger à tout prix ses joyaux de la couronne. Les technologies de semi-conducteurs en dessous de 14 nanomètres, incluant les équipements et les matériaux associés, sont déjà classées comme des technologies clés nationales.

Le gouvernement taïwanais s'assure ainsi que l'essentiel de la recherche et du développement, ainsi que la majorité des ingénieurs de TSMC, demeurent sur l'île.

En consolidant sa « forteresse silicium », Taïwan envoie un message fort : si ses partenaires sont les bienvenus pour bénéficier de sa production, le cœur de l'innovation ne quittera pas ses rivages.

Reste à voir comment cette politique protectionniste influencera les équilibres géopolitiques et les chaînes d'approvisionnement mondiales, déjà mises à rude épreuve ces dernières années.