Face aux restrictions d'exportation de terres rares imposées par Pékin, l'Union européenne est bien forcée de réagir.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a annoncé un nouveau plan baptisé "RESourceEU". Inspiré de la stratégie post-Ukraine pour l'énergie, il vise à réduire la dépendance critique de l'industrie européenne via le recyclage, la production locale et de nouveaux partenariats.
Un levier de pression géopolitique
La Chine n'hésite plus à utiliser son arme économique la plus redoutable. Détenant un quasi-monopole sur l'extraction et, surtout, le raffinage des terres rares, Pékin a récemment durci ses conditions d'exportation.
Ces matériaux sont pourtant indispensables aux secteurs de pointe : automobile, défense (missiles, radars), numérique et énergie.
En réponse aux différends commerciaux, notamment avec les États-Unis, ces restrictions provoquent déjà des retards de production et des surcoûts. L'industrie occidentale, qui dépend à plus de 90% des aimants chinois, craint une rupture pure et simple de ses chaînes d'approvisionnement. Les entreprises sont contraintes de constituer des stocks ou de chercher des alternatives coûteuses.
"RESourceEU" : la réponse européenne se dessine
Face à ce que Bruxelles considère comme un risque majeur, la réponse s'organise. Ursula von der Leyen a annoncé la préparation d'un nouveau plan : "RESourceEU". L'initiative fait écho au plan "REPowerEU", mis en place avec succès pour sevrer l'Europe des énergies fossiles russes après l'invasion de l'Ukraine.
"Nous avons appris une leçon douloureuse", a-t-elle martelé lors du Berlin Global Dialogue. L'objectif est clair : garantir l'accès de l'industrie européenne à ces matières critiques à court, moyen et long terme. Le plan, porté par le vice-président Stéphane Séjourné, s'articule autour de trois piliers principaux : le recyclage massif, la stimulation de la production européenne et la diversification des partenaires internationaux.
Une stratégie à trois leviers
Le premier axe est l'économie circulaire. La Commission souligne que certaines entreprises peuvent déjà recycler jusqu'à 95% des matières critiques contenues dans les batteries. L'Europe veut massivement investir dans cette filière pour récupérer les matériaux déjà présents sur son sol.
Le deuxième levier est la production locale. L'UE s'est fixé des objectifs ambitieux pour 2030 : extraire 10% de ses besoins, transformer 40% sur son sol, et recycler 25% des volumes consommés.
Des projets d'extraction et de raffinage sont déjà soutenus, comme une nouvelle usine d'aimants en Estonie. Un centre d'achat commun et de stockage, inspiré du modèle japonais, est également à l'étude.
Enfin, la diversification. Bruxelles accélère les négociations pour des partenariats stratégiques avec des pays comme l'Australie, le Canada, le Chili ou encore l'Ukraine et le Kazakhstan. L'idée est de ne plus dépendre d'un seul fournisseur pour plus de 65% de ses besoins critiques.
L'Europe sort l'artillerie commerciale
Si la diplomatie est en cours, avec des discussions prévues entre le commissaire au Commerce et des représentants chinois, l'UE n'exclut pas des mesures plus fermes.
La présidente de la Commission a explicitement menacé d'utiliser l'instrument anti-coercition (ACI), un outil de défense commerciale adopté en 2023 mais jamais encore utilisé. La partie d'échecs géopolitique ne fait que commencer.