L’annonce récente par le Bureau de l’industrie et de la sécurité américain (BIS) d’une nouvelle règle dite “des 50%” marque un tournant stratégique dans la politique d’exportation des États-Unis.

Désormais, toute filiale possédée à hauteur d’au moins 50% par une société figurant sur la liste noire se voit automatiquement appliquer les mêmes restrictions.

Cette extension bouleverse les règles du jeu pour des milliers d’entreprises et impacte les échanges à l’échelle planétaire. L'administration Trump cherche ainsi à limiter les détournements des restrictions commerciales des entreprises via des filiales ou des sociétés-écran.

Comprendre la règle des 50% : une révolution dans le contrôle des exportations

Le principe posé par la nouvelle réglementation américaine est limpide : si une entité figure sur la fameuse Entity List ou la Military End-User List, ses filiales détenues à 50 % ou plus, que ce soit directement ou indirectement, et même en cumulant plusieurs actionnaires concernés, tombent automatiquement sous le coup des restrictions.



Cette règle, surnommée “Affiliates Rule”, s’inspire du mécanisme déjà en vigueur auprès du département du Trésor américain (OFAC). Son objectif affiché : “fermer les failles qui ont permis à certaines parties de contourner les mesures en place via des filiales jamais répertoriées” selon Jeffrey Kessler, secrétaire adjoint au Commerce, décidé à limiter la fuite des technologies sensibles, notamment vers la Chine.

Un délai de grâce de 60 jours permet aux exportateurs de s’adapter, mais l’effet est immédiat : l’univers des entités à surveiller explose soudainement.

Quelles industries et quels pays sont les plus exposés ?

Selon les analyses, la majorité des filiales concernées sont certes basées en Chine et en Russie, mais un grand nombre d’entre elles sont également implantées dans les centres mondiaux du commerce et de la finance, comme l’Union Européenne, le Royaume-Uni, Singapour, la Suisse, le Japon, le Canada, l’Australie et l’Inde.

Certaines industries sont en tête des préoccupations : la fabrication de semi-conducteurs, l’aéronautique ou encore l’équipement médical. Parmi les groupes illustrant ce nouveau paysage, on retrouve notamment Huawei, DJI, ou Hikvision, tous passés experts dans l’art de monter de nouvelles structures pour échapper aux restrictions antérieures.

Alors qu'un tiers des entreprises listées sont chinoises, ce coup de filet ne concerne donc pas uniquement l’Empire du Milieu : l’ensemble des exportateurs et partenaires de ces zones voient désormais leur conformité à la réglementation américaine remise en question.

Bouleversement pour les exportateurs et nouveaux défis de conformité

L’adoption de la règle des 50 % est loin d’être anodine pour les entreprises dans le monde entier. “La liste de contrôle consolidée du gouvernement américain n’offre plus une vision complète des entités à risque”, souligne le BIS.

Désormais, les exportateurs doivent effectuer une vérification renforcée de l’actionnariat de leurs clients et partenaires — une tâche d’autant plus complexe dans les juridictions où la transparence sur la structure du capital est limitée.

Face à l’augmentation brutale des vérifications et à la notion de “Red Flag” sur les participations minoritaires significatives, banques, assureurs et transitaires œuvrant en dehors des États-Unis pourraient eux aussi se retrouver indirectement exposés, surtout quand les biens ou technologies d'origine américaine entrent en jeu. Toute transaction avec une entité possédée, même partiellement, par un groupe listé doit désormais faire l’objet d’une attention accrue.

Un impact qui dépasse largement la Chine

La Chine n’a pas tardé à dénoncer avec une rare virulence la décision américaine : “Cette mesure porte gravement atteinte aux droits et intérêts légitimes des entreprises concernées, perturbant l’ordre économique international”, a martelé le ministère du Commerce de Pékin, qui y voit une atteinte directe à la stabilité des chaînes industrielles et logistiques globales.

La nouvelle règle survient en pleine négociation commerciale ouverte entre les États-Unis et la Chine, ce qui ravive les tensions déjà exacerbées sur le terrain des restrictions technologiques.

Certains analystes notent que la parade pourrait consister pour les groupes visés à restructurer une nouvelle fois leurs actifs ou à multiplier les sociétés écrans dans une sorte de jeu du chat et de la souris.

La menace fantôme des filiales

Du côté des exportateurs comme des régulateurs, il va falloir intégrer rapidement ces nouvelles obligations et renforcer la vigilance sur les schémas de propriété et de contrôle des entités.

La demande croissante de transparence et la multiplication des vérifications pourraient ralentir les échanges, renchérir les coûts de conformité, voire conduire certains acteurs à se retirer de marchés trop risqués.

D’un autre côté, cette décision est vue à Washington comme un moyen d’accroître la pression sur les groupes et pays jugés adversaires ou concurrents directs. Reste à savoir si cette stratégie freinera réellement la diffusion des technologies sensibles ou poussera simplement les acteurs concernés à peaufiner encore leurs méthodes de contournement.