Symbole d'une architecture industrielle audacieuse, la Gläserne Manufaktur (Usine de verre) de Dresde a longtemps incarné le prestige du constructeur allemand Volkswagen, accueillant tour à tour la limousine Phaeton puis les modèles branchés du groupe.
Mais face à une conjoncture économique qui impose des arbitrages serrés, le site s'apprête à délaisser ses chaînes de montage pour se réinventer totalement.
L'objectif est désormais de faire converger le savoir-faire industriel et l'excellence académique au sein d'une structure inédite.
Une rationalisation dictée par le réalisme économique
La décision, bien que redoutée par certains observateurs, s'inscrit dans une logique de redéploiement des capacités de production du groupe. Thomas Schäfer, PDG de la marque, a souligné que cet arrêt de la production de l'ID.3 n'avait pas été décidé à la légère, après plus de deux décennies d'activité ininterrompue.
C'est une mesure jugée « urgente et nécessaire » d'un point de vue commercial, illustrant la volonté de Volkswagen de réduire les coûts fixes sur des sites aux volumes plus modestes.
L'usine, qui assemblait environ 6 000 unités par an, tenait davantage de la vitrine technologique que du complexe industriel de masse, ce qui rendait sa rentabilité complexe à maintenir dans le contexte actuel.
Cette fermeture de la ligne d'assemblage, prévue pour la mi-décembre, ne signifie pas pour autant l'abandon des lieux. Le groupe préfère parler d'une transformation plutôt que d'un retrait, cherchant à adapter l'outil de travail aux défis de la prochaine décennie.
En choisissant de stopper la fabrication de ses véhicules électriques à Dresde, la marque libère des ressources pour se concentrer sur des usines à plus fort volume comme Zwickau.
C'est une stratégie industrielle pragmatique qui vise à optimiser l'utilisation des plateformes de production existantes tout en préservant l'aura du site saxon.
L'émergence d'un campus dédié à la "Deep Tech"
Pour succéder aux ballets des bras robotisés d'assemblage, Volkswagen mise sur un partenariat ambitieux avec l'État de Saxe et l'Université technique de Dresde (TU Dresden).
Le projet consiste à transformer les surfaces libérées en un vaste campus d'innovation, où près de la moitié de l'espace sera occupée par les chercheurs universitaires.
Ce laboratoire à ciel ouvert se focalisera sur des domaines de pointe tels que l'intelligence artificielle, la robotique avancée et la conception de puces électroniques.
Ce virage vers la Deep Tech témoigne de la volonté du groupe de maîtriser les briques technologiques qui définiront la voiture de demain, bien au-delà de la simple tôlerie.
L'investissement consenti est à la hauteur des enjeux, avec une enveloppe annoncée de plus de 50 millions d'euros sur les sept prochaines années. Ce financement conjoint permettra de développer des projets de recherche appliquée directement connectés aux besoins de l'industrie.
En remplaçant la production physique par de la recherche et développement, Dresde espère devenir un hub européen incontournable pour la microélectronique automobile.
Cette mutation illustre parfaitement comment l'industrie traditionnelle tente d'absorber les nouvelles technologies pour ne pas se laisser distancer par les nouveaux acteurs du numérique.
Un ancrage local et social préservé
Malgré la fin des opérations d'assemblage, la direction a tenu à rassurer sur le sort des 230 collaborateurs actuellement en poste. Si la nature du travail va radicalement changer, l'emploi sur le site devrait être maintenu dans un premier temps, avec des plans de formation ou de redéploiement pour ceux dont les compétences ne colleraient plus au nouveau projet.
Le site conservera également sa fonction de point de contact privilégié avec la clientèle, continuant d'assurer la livraison des véhicules neufs. Cette continuité permet de garder un lien émotionnel fort entre la marque et ses clients, qui pourront toujours venir récupérer leur voiture dans ce cadre architectural unique, témoin de la mobilité durable en évolution.
La conversion complète de la Gläserne Manufaktur devrait être effective dès janvier 2026, marquant le début d'un nouveau cycle pour l'industrie saxonne. Ce projet pilote pourrait d'ailleurs servir de modèle pour la reconversion d'autres sites industriels urbains en Europe.
Reste à voir si cette alliance entre le monde académique et un géant de l'automobile suffira à générer les ruptures technologiques espérées. L'avenir nous dira si ce pari sur l'immatériel et la matière grise sera plus rentable à long terme que la production de berlines. La transformation de Dresde préfigure-t-elle le nouveau visage de l'industrie automobile européenne ?