La startup xLight, pilotée par l'ex-PDG d'Intel Pat Gelsinger (récemment nommé président du conseil d'administration), vient de conclure un accord préliminaire pour un financement de 150 millions de dollars via le Chips Act.
En contrepartie, le gouvernement américain obtiendra une participation au capital, une stratégie inédite pour soutenir une technologie de lithographie capable de surpasser les standards actuels.
Le secteur de la tech observe avec attention ce mouvement stratégique qui redessine les frontières entre initiative privée et souveraineté industrielle.
Alors que la course à la puissance de calcul s'intensifie, les États-Unis semblent prêts à adopter des méthodes plus interventionnistes pour sécuriser leur avance technologique, quitte à bousculer les dogmes libéraux de la Silicon Valley.
Un financement d'État qui brise les codes de la Silicon Valley
L'accord est encore au stade préliminaire, mais il marque déjà un tournant décisif dans la politique industrielle américaine sous la seconde administration Trump. Le département du Commerce s'engage à verser jusqu'à 150 millions de dollars à xLight, non pas sous forme de simple subvention, mais en échange d'une prise de participation au capital.
Cette approche, qui transforme l'État en actionnaire minoritaire, vise à soutenir le développement de systèmes avancés pour la fabrication de puces. Pour Pat Gelsinger, désormais président exécutif de la société, c'est une validation majeure de la stratégie de l'entreprise, même si ce modèle de « capitalisme d'État » suscite quelques grincements de dents chez les investisseurs attachés au libre marché.
Les critiques, notamment au sein des cercles libertariens de la tech californienne, s'interrogent sur la pertinence de voir Washington s'inviter au capital de startups privées.
Pourtant, face à la concurrence internationale agressive, le pragmatisme semble l'emporter. L'objectif affiché est clair : permettre aux États-Unis de reprendre la main sur les briques technologiques les plus critiques.
xLight, fondée par Nicholas Kelez, ne cherche pas simplement à lever des fonds, mais à s'inscrire dans une démarche d'intérêt national, où la réussite de l'entreprise devient indissociable de la souveraineté technologique américaine.
Une rupture physique pour dépasser les limites actuelles
Au cœur de cette effervescence financière se trouve une promesse technique audacieuse : repenser totalement la manière dont on grave les circuits électroniques.
La technologie actuelle, dominée par le géant néerlandais ASML, utilise des longueurs d'onde de 13,5 nanomètres. xLight entend pulvériser cette barrière en descendant jusqu'à 2 nanomètres.
Pour y parvenir, la société ne mise pas sur une évolution incrémentale, mais sur l'utilisation de lasers à électrons libres alimentés par des accélérateurs de particules.
Ces machines gigantesques, qui occuperaient une surface équivalente à un terrain de football, seraient installées à l'extérieur des usines pour distribuer la lumière comme une utilité publique.
Cette approche permettrait de traiter la lumière non plus comme un composant intégré à la machine, mais comme une ressource externe massive et stable. C'est ici que se joue l'avenir de la lithographie de pointe.
En dissociant la source lumineuse de l'outil de gravure, xLight espère offrir une puissance et une précision inégalées, indispensables pour continuer à suivre la loi de Moore.
Si le pari technologique est immense, la promesse d'une efficacité accrue et d'une consommation énergétique maîtrisée attire l'attention de tous les grands acteurs du domaine.
Des échéances critiques à l'horizon 2029
Malgré l'ampleur du défi, le calendrier est fixé : la startup vise la production de ses premières plaquettes de silicium pour 2028, avec un système commercial opérationnel espéré avant la fin de la décennie.
Contrairement aux apparences, xLight ne se positionne pas en ennemi frontal d'ASML, mais cherche plutôt à s'intégrer dans l'écosystème existant. Nicholas Kelez a confirmé travailler en étroite collaboration avec les fournisseurs actuels pour assurer la compatibilité de leur source lumineuse avec les scanners existants. C'est une stratégie de coopération intelligente qui pourrait redéfinir la chaîne de valeur des semi-conducteurs dans les années à venir.
Pour Pat Gelsinger, ce projet va bien au-delà d'un simple investissement financier ; c'est une mission personnelle pour restaurer le leadership américain dans le hardware.
Alors que d'autres startups comme Substrate lèvent également des fonds massifs, la compétition pour définir le standard de demain est lancée. Reste à savoir si cette alliance inédite entre capitaux publics et innovation privée suffira à transformer une physique complexe en une réalité industrielle viable.