La nouvelle a fait l'effet d'une bombe au Grand-Duché. Amazon, l'un des plus grands employeurs du pays, a officialisé une vague de licenciements sans précédent sur le territoire. Au total, 370 salariés de son siège européen devront quitter l'entreprise dans les semaines à venir. Cette décision, bien que partie intégrante d'une stratégie globale de réduction des effectifs de 14 000 postes à l'échelle mondiale, marque un tournant dans la relation jusqu'alors très favorable entre le géant américain et son hôte européen.
Quelle est l'ampleur réelle de ce plan social ?
Le chiffre de 370 suppressions de postes peut sembler modeste face aux effectifs mondiaux de l'entreprise, mais il représente environ 8,5 % des 4 370 employés basés au Luxembourg. Il s'agit de la plus grande coupe d'effectifs enregistrée dans le pays depuis plus de deux décennies. La dernière opération d'une telle envergure remonte à 2006, lorsque le fabricant japonais TDK avait fermé une usine, licenciant 344 personnes.
Initialement, la direction prévoyait de se séparer de 470 personnes. Cependant, après deux semaines de négociations intenses entre la direction et les représentants du personnel, comme l'exige le droit du travail européen, ce nombre a été revu à la baisse. Selon une note interne, l'entreprise qualifie ces départs d'« ajustements reflétant les besoins de l'entreprise et les stratégies locales », promettant un programme de départ qui « dépasse largement les standards du secteur ».
Quelles sont les conséquences pour les employés concernés ?
L'impact est particulièrement rude pour les nombreux travailleurs étrangers qui ont déménagé au Luxembourg spécifiquement pour rejoindre le groupe. Pour les salariés venant d'Inde, des États-Unis, d'Australie ou encore de Tunisie, la perte de leur emploi est synonyme d'une véritable course contre la montre. Ils ne disposent que de trois mois pour trouver un nouvel employeur afin de pouvoir conserver leur droit de résidence au Grand-Duché.
Prash Chandrasekhar, membre de la délégation du personnel, se montre pessimiste : « Je suis presque sûr que certains employés devront partir ». Le marché du travail luxembourgeois, bien que dynamique, pourrait peiner à absorber simultanément 370 profils hautement qualifiés. Pour ceux qui espèrent rester dans le secteur de la tech, les alternatives d'envergure à Amazon sont quasi inexistantes dans le pays.
Comment cette décision affecte-t-elle la relation entre Amazon et le Luxembourg ?
Cette situation met en lumière les tensions sous-jacentes. Le syndicat OGBL dénonce une importation du « modèle américain du hire and fire » (embaucher et licencier), qui heurte le modèle social luxembourgeois basé sur le dialogue. Pour Isabel Scott, porte-parole du syndicat, ces licenciements étaient « évitables » et révèlent un manque de respect des géants de la tech pour les coutumes locales, malgré les efforts du gouvernement pour attirer les talents.
Le Luxembourg, souvent qualifié de paradis fiscal, a longtemps déroulé le tapis rouge pour les multinationales. Le groupe, comme d'autres, y a optimisé sa charge fiscale grâce à des montages financiers jugés légaux par les cours européennes en 2023. L'entreprise a ainsi pu déclarer des pertes sur ses opérations continentales, minimisant sa taxe sur les bénéfices. En dépit des tensions, le partenariat reste stratégique. Le Premier ministre Luc Frieden a récemment qualifié l'entreprise de « partenaire vital », un sentiment auquel a fait écho Andy Jassy, le PDG du groupe.