C'est un scénario kafkaïen qui frappe deux familles de l'académie d'Aix-Marseille. Sofiène, lycéen HPI et dyspraxique, et Cécilia, une élève souffrant de bégaiement, ont tous deux vu leur diplôme invalidé. La raison ? Une suspicion de triche à l'intelligence artificielle, fondée sur l'appréciation subjective de correcteurs et des détecteurs d'IA. Sans preuve matérielle, leurs vies basculent. Le ministère de l'Éducation nationale vient de rejeter leurs recours, les plongeant dans une attente insoutenable.

Quelles sont les accusations portées contre ces lycéens ?

L'affaire Sofiène a éclaté en juillet. Sa copie d'histoire-géographie, jugée d'un "niveau d'excellence" suspect par le correcteur, a déclenché l'alerte. Malgré un handicap reconnu (dyspraxie, dysgraphie et HPI) nécessitant l'usage d'un ordinateur sous surveillance, la commission de discipline a annulé son diplôme. Le procès-verbal évoque des formulations suggérant l'intervention d'une IA, sans plus de précisions.

Peu de temps après, le cas de Cécilia émerge, étrangement similaire. Cette jeune femme de 19 ans, originaire du Brésil et excellente élève, a vu son épreuve d'anglais et l'intégralité de son examen annulés. La raison invoquée est une copie jugée "trop générale, impersonnelle". Là encore, les seuls éléments à charge sont l'appréciation d'une professeure et des résultats de détecteurs d'IA, outils dont le ministère lui-même reconnaît les limites.

Quelle est la réponse du ministère de l'Éducation nationale ?

Face à cette situation, les familles ont tenté la voie du recours gracieux. Une démarche rapide pour contester une décision jugée injuste. La réponse du ministère, tombée après un mois et demi d'attente, a été une douche froide. Dans un courrier laconique, il indique que "la seule voie de contestation possible [...] est la voie contentieuse portée directement devant la juridiction administrative". Cette suspicion de fraude les plonge dans un imbroglio juridique.

En clair, le ministère se décharge et renvoie les familles vers un long combat judiciaire. Une procédure devant la justice administrative qui, selon les estimations, n'aboutira pas avant dix-huit mois. Un délai interminable pour ces jeunes dont les projets d'études supérieures sont brutalement suspendus. Farida, la mère de Sofiène, se dit "révoltée et écœurée".

Quelles conséquences pour l'avenir de ces étudiants ?

L'impact de ces décisions est dévastateur. Sofiène, qui avait été accepté en faculté de droit à Aix via Parcoursup, risque le décrochage. "On craint qu'il fasse une croix sur les études", s'inquiète sa mère. Cécilia, quant à elle, a dû renoncer à son inscription en études de cinéma à l'université de Montpellier. Elle a perdu son diplôme, mais aussi "sa santé mentale et de l'argent" en frais d'avocats.

La seule option qui leur reste est de repasser l'intégralité des épreuves du baccalauréat en candidats libres d'ici juin 2026. Une épreuve considérable, qui revient à nier des années de travail et d'efforts. Ces deux cas, presque identiques et gérés par la même commission disciplinaire, soulèvent une question brûlante : la lutte contre la triche justifie-t-elle de briser des avenirs sur la base de soupçons aussi fragiles ?

Foire Aux Questions (FAQ)

Sur quoi se base l'accusation de fraude à l'IA ?

L'accusation repose principalement sur l'appréciation subjective de correcteurs qui ont jugé les copies "trop excellentes", "impersonnelles" ou contenant des "formulations suspectes". Des détecteurs d'IA, dont la fiabilité est contestée, ont aussi été utilisés, mais aucune preuve matérielle de connexion ou d'utilisation d'un logiciel de triche n'a été apportée.

Les élèves handicapés sont-ils plus exposés à ce type de soupçons ?

Ces deux cas concernent des élèves bénéficiant d'aménagements pour leur handicap, notamment l'utilisation d'un ordinateur. Cet outil, indispensable à leur réussite, semble paradoxalement les rendre plus vulnérables à des accusations d'utilisation d'IA, créant une situation de double peine.

Quelle est la prochaine étape pour les lycéens ?

Le rejet de leurs recours gracieux les contraint à attendre la décision du tribunal administratif, qui n'interviendra pas avant 18 mois. En parallèle, ils ont la possibilité de se réinscrire pour repasser l'intégralité du bac en candidats libres, seule option pour ne pas perdre plusieurs années.