Bitfarms, l'un des géants nord-américains du minage de cryptomonnaies, annonce un virage stratégique majeur. L'entreprise va progressivement cesser ses activités de minage de Bitcoin d'ici 2027 pour se concentrer sur le calcul haute performance (HPC) et l'infrastructure dédiée à l'intelligence artificielle.

La décision n'est pas une surprise totale dans un secteur sous pression. Le minage de Bitcoin, autrefois extrêmement lucratif, fait face à une dure réalité économique : la baisse des prix du BTC et des marges bénéficiaires qui s'effritent. Pour Bitfarms, les chiffres parlent d'eux-mêmes.

La société a récemment annoncé une perte nette de 46 millions de dollars pour le troisième trimestre, sur un chiffre d'affaires de 69 millions de dollars. Ces résultats, inférieurs aux attentes, ont d'ailleurs provoqué une chute de l'action de l'entreprise (BITF) de plus de 12% à l'annonce.

Malgré une hausse de 156% du chiffre d'affaires sur un an, le coût direct moyen pour miner un seul BTC s'élevait à 48 200 dollars au cours du trimestre. Bien que l'entreprise dispose encore de liquidités totales de 814 millions de dollars (dont 1 827 BTC), le modèle économique actuel n'est plus tenable.

Un pivot stratégique vers le calcul haute performance

Plutôt que de s'obstiner sur un marché devenu difficile, Bitfarms choisit de capitaliser sur son atout principal : son infrastructure énergétique. L'entreprise dispose d'une capacité énergétique considérable, estimée à 341 mégawatts (MW) répartie sur 12 sites en Amérique du Nord.

Cette infrastructure, conçue pour alimenter des fermes de minage énergivores, est idéale pour les besoins croissants des data centers dédiés à l'IA.

Le plan de transition est déjà en marche. Le premier site à être entièrement converti sera celui de Washington. Cette installation de 18 MW, bien que ne représentant qu'une petite fraction du portefeuille total, servira de projet pilote.

Elle sera modernisée pour accueillir des solutions de calcul intensif, notamment les très attendus GPU Nvidia GB300 (architecture Blackwell Ultra), qui nécessiteront une technologie de refroidissement liquide avancée.

Pour financer cette transformation, un accord contraignant de 128 millions de dollars a été signé avec un partenaire américain majeur, une multinationale spécialisée dans les infrastructures critiques pour data centers. L'objectif est de finaliser cette première conversion d'ici décembre 2026.

Une conversion potentiellement plus rentable que le Bitcoin

Ben Gagnon, le PDG de Bitfarms, se montre confiant quant à cette nouvelle orientation. Il estime que la conversion du seul site de Washington en GPU-as-a-Service (GPU en tant que service) pourrait générer plus de revenus d'exploitation nets que l'entreprise n'en a jamais tirés de l'ensemble de ses activités de minage de Bitcoin.

Cette transition fournirait une base de flux de trésorerie solide pour financer les opérations et les investissements futurs, alors que l'entreprise prévoit de liquider ses activités de minage en 2026 et 2027.

L'ambition de Bitfarms ne s'arrête pas là. Le PDG a précisé que les futures infrastructures sont déjà conçues pour l'avenir. Le site de Panther Creek, en Pennsylvanie (financé par une conversion de dette Macquarie de 300 millions de dollars), est développé pour supporter la prochaine génération de GPU Nvidia, les Vera Rubin.

Ces puces, attendues fin 2026, promettent une densité énergétique presque double de celle des GPU Blackwell actuels, rendant la plupart des data centers existants obsolètes.

Une tendance de fond dans l'industrie

Bitfarms n'est pas un cas isolé. D'autres acteurs majeurs du minage, tels que Cipher ou Terawulf, ont déjà entamé des pivots similaires. Ils s'associent à des géants de l'investissement et de la tech, comme SoftBank ou Google, pour développer des data centers prêts pour l'IA.

Ces entreprises transforment ce qui était une infrastructure de cryptomonnaie en un fournisseur de calcul pour l'intelligence artificielle, un marché en pleine explosion.

Ce mouvement stratégique permet aux anciens mineurs de recycler leur expertise en gestion d'énergie à grande échelle vers un secteur offrant des revenus plus stables et prévisibles.

Cependant, le chemin n'est pas sans embûches. Bitfarms fait face à des risques d'exécution non négligeables. Des retards dans les projets, des performances d'équipement inférieures aux attentes ou une rentabilité du GPU-as-a-Service plus faible que prévu pourraient compliquer cette transition ambitieuse.