La fusée lourde New Glenn de Blue Origin, attendue pour propulser la mission de la NASA ESCAPADE vers Mars, voit son décollage désormais annoncé au plus tôt pour le 29 septembre 2025.

Cette mission soulève des enjeux majeurs, aussi bien technologiques que stratégiques, pour l’avenir de Blue Origin. Ce devait être sa mission inaugurale avant que la NASA ne modifie les plans et lui préfère une mission en orbite terrestre réalisée en début d'année.

Cette seconde mission va constituer une véritable épreuve pour les technologies et le matériel de Blue Origin puisqu'il imposera un voyage interplanétaire de plusieurs mois. Cela explique aussi pourquoi la date de lancement a été plusieurs fois reportée.

L’impact du report : entre calendrier contraint et ambitions martiennes

La mission ESCAPADE de la NASA, portée par deux sondes jumelles conçues par Rocket Lab, devait initialement embarquer sur la toute première virée orbitale de New Glenn en janvier, avant que la prudence ne pousse à privilégier une fusée ayant déjà volé.

« Fly only when you’re ready », résume-t-on chez Blue Origin. Ce mantra, emblématique des nouveaux acteurs, explique en partie pourquoi la fenêtre de lancement s’est progressivement déplacée : d’une prévision au printemps 2025, à une date fixée en août, pour finalement viser septembre.

La raison ? Prendre le temps de vérifier chaque composant et chaque procédure, afin de garantir la sécurité d’une opération qui se veut fondatrice pour l’avenir interplanétaire de la société.

Le lancement de New Glenn marquera sa première mission au-delà de l’orbite terrestre, avec pour objectif de déposer en orbite martienne les sondes ESCAPADE, dédiées à l’étude de la magnétosphère de Mars et aux interactions entre vent solaire et atmosphère martienne.

Ce vol doit également servir de démonstration technologique pour ViaSat, soutenant l’évolution de la communication spatiale dans le cadre du programme Communications Services Project de la NASA.

Des défis techniques et organisationnels persistants

Si le report du lancement attire l’attention, il s’inscrit sur fond de difficultés techniques et organisationnelles. Le premier vol orbital de New Glenn (mission NG-1), survenu le 16 janvier 2025, a permis la mise en orbite du satellite Blue Ring Pathfinder, mais s’est soldé par un échec lors de la tentative de récupération du premier étage.

Cette étape clé pour la réutilisation, essence des ambitions du secteur, a poussé la FAA à imposer sept mesures correctives, allant de la gestion du propulseur au contrôle du moteur et à l’amélioration des procédures.

Blue Origin s’applique à répondre à ces exigences, visant à optimiser le taux de réussite des futures missions et à garantir une rentabilité accrue par la réutilisation des boosters jusqu’à 25 fois.

Parallèlement, la société traverse une période de turbulences internes : départs de figures majeures, dont Linda Cova et Jarrett Jones, et réduction de 10% de l’effectif en 2025.

Ces mouvements, pensés pour « rendre l’organisation plus agile » selon le nouveau CEO Dave Limp, questionnent la solidité du projet alors que le secteur spatial se montre de plus en plus compétitif.

Pour Blue Origin, la réussite technique de la mission NG-2 ne se limite pas à la mise en orbite, mais s’étend à la démonstration de la capacité de récupération et à l’envoi des premières sondes martiennes comme preuves de fiabilité.

Face à l’instabilité interne, la gestion du rythme de production devient centrale. La construction de huit étages secondaires est annoncée pour 2025, mais seul un lancement a eu lieu à ce jour. Ce décalage entre production et exploitation met en lumière la complexité logistique d’un projet d’une telle envergure.

Une rivalité exacerbée avec SpaceX et la montée des enjeux économiques

Le secteur spatial ne tolère pas la monotonie : face à Blue Origin, SpaceX et son Starship accentuent la pression. Avec un coût par lancement estimé à 10 millions $, des capacités d’emport spectaculaires (250 tonnes en LEO), Starship pourrait distancer New Glenn, affiché à 68 millions $ par lancement. Pourtant, Blue Origin dispose de leviers uniques.

D’importants contrats gouvernementaux, avec 3,4 milliards $ pour le programme Artemis et 8 milliards $ octroyés par la Space Force assurent une assise financière stable.

Le statut de fournisseur heavy-lift du National Security Space Launch (NSSL) Phase 3, niche la fusée dans une gamme stratégique sollicitée par la NASA, la Space Force et Amazon – qui attend plus d’une douzaine de lancements pour son projet Kuiper.

L’équilibre entre la récurrence des contrats publics et la compétitivité face à des acteurs privés innovants dictera l’avenir de Blue Origin sur le marché. La compétition reste vive.