Ne vous y trompez pas : Rhea 1 n'est pas là pour remplacer le processeur de votre PC. Ce "gros bébé" intègre pas moins de 80 cœurs CPU basés sur une architecture ARM (comme nos smartphones) et deux types de mémoire. Un composant taillé sur mesure pour le déploiement massif dans les supercalculateurs et pour répondre aux besoins du calcul scientifique. Si le jeu d'instruction est issu du Royaume-Uni (ARM) et sa conception européenne, sa fabrication est évidemment étrangère. Et comme toutes les puces de pointe de la planète, Rhea 1 n'est pas produit en Europe, mais provient du temple de la production des puces : Taïwan. C'est là que le bât blesse la souveraineté européenne.

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Pourquoi l'Europe ne peut pas (encore) produire sans Taïwan ?

La question de la souveraineté européenne dans les semi-conducteurs est complexe. Philippe Notton, fondateur et PDG de SiPearl, est catégorique : "Il est impossible de faire sans Taïwan." La raison est simple et implacable : l'Europe ne possède aucune usine de fabrication de puces de pointe. Il faudrait "cinquante projets comme le nôtre pour faire tourner une telle usine sur le continent", assure-t-il. Alors, pourquoi ne pas se tourner vers d'autres géants comme le Coréen Samsung ou l'Américain Intel ? Si Samsung reste une option, le contexte actuel rend Intel moins évident, notamment avec la mise en pause de leurs projets à Magdebourg, en Allemagne.
Mais le véritable avantage de TSMC va au-delà de sa simple supériorité technologique. Il réside dans la culture et l'écosystème taïwanais.

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Comment Taïwan est-elle devenue le "champion du monde" indispensable ?

Taïwan ne se contente pas d'être la meilleure fonderie du monde ; c'est un écosystème complet. Philippe Notton, avec ses neuf ans passés chez MediaTek (une entreprise taïwanaise), le sait bien : de nombreux employés de SiPearl sont eux-mêmes taïwanais. Et ce n'est pas tout. Dans l'univers du calcul intensif, les principaux concepteurs de cartes mères et de serveurs sont aussi taïwanais. Cela offre un accès global à toutes les technologies, bien au-delà de la seule fabrication de puces. Cerise sur le gâteau : les entreprises taïwanaises ne sont pas que des fournisseurs de technologie, elles sont aussi des investisseurs clés. Cathay Venture, un fonds d'investissement taïwanais, est le principal participant à la dernière levée de fonds de 32 millions d'euros de SiPearl. Une preuve de confiance et un capital indispensable pour une entreprise qui vient de "clôturer sa série A" avec un total de 130 millions d'euros levés en cinq ans. Un montant qui semble colossal, mais qui n'est, selon P. Notton, que le strict "minimum vital" pour espérer rivaliser avec les Intel et AMD de ce monde.

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L'Europe manque-t-elle de talents et d'une vision à long terme ?

SiPearl, avec ses 5430 pins, ses 80 cœurs, ses soixante milliards de transistors, conçoit le processeur le plus complexe jamais créé en Europe. Un projet de cette envergure exige des talents de pointe. Or, Philippe Notton le déplore : même en triplant la taille de son équipe du jour au lendemain, il n'y a "pas assez de talents en Europe". Notre continent manquerait d'une véritable "culture" des semi-conducteurs. Cette lacune ne se limite pas aux usines et au capital, elle touche aussi les ressources humaines expertes, notamment celles ayant la double culture technologique et industrielle nécessaire. L'Europe a certes des programmes, mais Philippe Notton estime qu'elle "continue de financer le passé, pas assez notre futur technologique". Une prise de conscience tardive, mais accélérée par la pandémie, la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques autour des puces. L'enjeu est clair : éviter que 80 % de la valeur des futurs centres de calcul européens ne finisse dans les poches des géants américains. C'est une bataille stratégique.

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Rhea 1 : vers une nouvelle ère de processeurs ARM européens ?

Rhea 1 s'appuie sur des cœurs ARM, un choix stratégique aujourd'hui incontournable. Les géants du cloud (hyperscalers) ont tous développé leurs propres puces ARM (comme le Graviton d'AWS) tant cette technologie est économe en énergie face aux processeurs x86 d'Intel et AMD. Tous les logiciels tournent désormais sous ARM. Philippe Notton imagine un avenir où Rhea serait l'équivalent des AmpereOne américains pour les datacenters européens, un processeur ARM sur mesure pour tous les acteurs locaux. Même Nvidia, le champion des GPU, a lancé son propre processeur ARM, Grace, pour épauler ses cartes Blackwell. Cela montre que la direction est la bonne, mais la concurrence est féroce. Si Rhea 1 a pris du retard, d'autres solutions ARM pourraient équiper les supercalculateurs européens. La souveraineté n'est pas un sprint solitaire, mais une course de fond où chaque acteur doit trouver sa place. Le développement des générations Rhea-2 et Rhea-3, prévues à partir de 2027, est déjà en cours, affirmant l'ambition à long terme de SiPearl.

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Foire Aux Questions (FAQ)

Qu'est-ce que le processeur Rhea 1 et à quoi sert-il ?

Rhea 1 est le premier processeur "souverain" européen depuis des décennies, conçu par l'entreprise française SiPearl. Il est basé sur une architecture ARM et intègre 80 cœurs CPU, ainsi que de la mémoire HBM ultra-rapide. Il est dédié aux supercalculateurs et au calcul intensif, notamment pour des applications scientifiques et l'entraînement d'IA.

Pourquoi Rhea 1 n'est-il pas fabriqué en Europe ?

Malgré sa conception européenne, Rhea 1 est fabriqué à Taïwan par TSMC. L'Europe ne dispose pas à l'heure actuelle d'usines de fabrication de puces de pointe nécessaires pour une telle production. La complexité et le coût d'une telle infrastructure nécessitent un écosystème industriel qui fait défaut sur le continent.

Rhea 1 peut-il rivaliser avec les puces d'Intel ou AMD ?

Philippe Notton, PDG de SiPearl, reconnaît que Rhea 1 ne pourra pas concurrencer directement les géants sur le rapport performance/watt dans tous les domaines. Cependant, sa conception est optimisée pour des tâches spécifiques dans le calcul scientifique et l'IA générative (notamment l'inférence), où ses 64 Go de mémoire HBM lui confèrent un avantage énergétique et une capacité unique pour charger des LLM complets.