La diffusion illégale des matchs de Ligue 1, autrefois un phénomène de masse, a connu un coup d'arrêt spectaculaire dès la première journée de la nouvelle saison. Le match d'ouverture entre Rennes et Marseille a illustré cette nouvelle réalité : trouver un lien pirate fonctionnel est devenu une véritable mission. L'époque où les canaux Telegram et les serveurs Discord regorgeaient de flux illégaux semble révolue.
Un piratage en chute libre
La raréfaction des options illégales est frappante. Sur les plateformes comme X, Telegram ou Discord, les liens pirates se sont faits extrêmement discrets. Pour les quelques flux qui parvenaient à rester en ligne, l'audience était dérisoire, plafonnant à 1 000 ou 2 000 spectateurs. Un chiffre à des années-lumière des 600 000 abonnés revendiqués par le nouveau diffuseur officiel, Ligue 1+, dès son premier week-end de lancement.
Cette situation marque une rupture totale avec le passé récent. Il y a un an, le match d'ouverture de la saison 2024-2025 avait attiré plus de 150 000 spectateurs clandestins uniquement sur Telegram. Ce piratage massif était alors alimenté par le mécontentement des supporters, notamment via le mouvement #BoycottDAZN, qui protestaient contre les tarifs jugés excessifs du diffuseur de l'époque. En novembre, un match comme OM-PSG voyait même un téléspectateur sur deux opter pour une solution illégale.
La double stratégie gagnante de la LFP
Ce revirement de situation n'est pas le fruit du hasard, mais celui d'une stratégie offensive menée par la Ligue de Football Professionnel (LFP). Cette dernière s'articule autour de deux axes majeurs :
- Une offre commerciale séduisante : Ligue 1+ a pris le contre-pied de ses prédécesseurs avec une politique tarifaire agressive. L'abonnement est proposé à 9,99 € par mois durant les trois premiers mois (puis 14,99 € avec un an d'engagement). Cette approche plus abordable semble avoir convaincu de nombreux fans de revenir dans le giron de la légalité.
- Une riposte judiciaire musclée : La LFP a obtenu de nouveaux outils juridiques pour combattre le streaming illégal. Le 10 juillet, le tribunal judiciaire de Paris a autorisé la Ligue à obtenir des blocages de sites en amont des rencontres.
Cette nouvelle méthode change complètement la donne, comme l'explique Xavier Spender, de l’Association pour la protection des programmes sportifs : « Avant, on devait constater le préjudice, dresser la liste des sites pirates et, seulement ensuite, on pouvait demander au juge leur blocage ». Désormais, la démarche est proactive : « On repère en amont les plateformes déjà fautives par le passé, et les blocages sont enclenchés avant le coup d’envoi ». L'efficacité est au rendez-vous, avec près de 160 sites bloqués par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) dès la première journée, contre une cinquantaine la saison passée.
Un arsenal répressif bientôt renforcé
La lutte contre le piratage ne va pas s'arrêter là. Un durcissement de l'arsenal législatif est attendu d'ici la fin de l'année 2025. Une proposition de loi, déjà adoptée au Sénat, prévoit de permettre le blocage en temps réel des adresses IP qui diffusent illégalement du contenu.
Cette mesure technique s'annonce redoutable. « Chaque flux venant par exemple d’un IPTV repose sur des serveurs identifiés par une adresse IP, donc si on coupe en direct l’adresse, on coupe le flux par la même occasion », précise Vincent Helluy, spécialiste de la lutte contre le piratage. En parallèle, le volet pénal sera renforcé : les contrevenants risqueront jusqu'à trois ans de prison et 300 000 € d'amende. Pour Vincent Helluy, cette évolution marque une prise de conscience collective : « Les gens ont compris que le piratage avait vraiment un impact pour leur équipe et leur Championnat ».