Depuis l’annonce de la Chine de restreindre ses exportations de métaux critiques comme le germanium, un véritable tremblement de terre secoue les marchés technologiques mondiaux.

Utilisé dans l’optronique militaire, l’industrie électronique et les télécommunications, ce métal stratégique a vu son prix s’envoler à un niveau historique, bouleversant l’approvisionnement de nombreux acteurs économiques et politiques occidentaux. 

Une flambée des prix qui sème la panique chez les industriels

Le germanium, ingrédient clé pour la fabrication d'équipements infrarouges embarqués dans les avions de chasse ou les missiles, vient d’atteindre un sommet inédit : cinq fois plus cher qu’au début 2023, à 5 000 dollars le kilogramme, contre 1 000 dollars il y a à peine deux ans.

Cette explosion des prix découle directement des restrictions imposées par Pékin, effectives depuis fin 2023, visant à sécuriser ses propres approvisionnements stratégiques et à exercer une pression géopolitique sur ses concurrents.

Chine : le cœur du marché mondial et le spectre d’un monopole

La dépendance de l’Occident à l'égard de la Chine s’affiche dans toute sa brutalité. L’Empire du Milieu contrôle l’essentiel de la production mondiale de germanium, forçant l’Europe et les États-Unis à revoir de fond en comble leur politique industrielle.

Les tentatives d’endiguer cette dépendance, par des aides d’État et des investissements dans la production locale, peinent à compenser l’influence de la Chine, qui a même resserré son emprise ces dernières années.

electronique

La production alternative reste marginale et coûteuse : peu d’acteurs hors Chine sont capables de concurrencer ses prix et ses capacités d’extraction. Par ailleurs, les tensions bilatérales exacerbent le risque de nouvelles perturbations, la Chine n’hésitant plus à user de son pouvoir pour durer dans le rapport de force géopolitique mondial.

Comme le souligne l'International Energy Agency (IEA), ce genre de concentration augmente considérablement le risque de ruptures majeures dans des marchés déjà ultra-tendus.

Réaction en chaîne : vers de nouveaux rapports de force industriels et stratégiques

En réaction à cette situation, les industriels occidentaux s’organisent dans l’urgence pour sécuriser des stocks ou négocier de nouveaux contrats. Il n'y a pas de véritable solution miracle à court terme : face à cette pénurie, certains groupes industriels majeurs comme Lockheed Martin signent des accords prioritaires avec la Corée du Sud pour s’approvisionner hors des canaux traditionnels.

Par ailleurs, le groupe Nyrstar envisage de développer, aux États-Unis, une installation de valorisation du germanium issue de la production de zinc, tandis que d’autres pays réfléchissent à la relance d’exploitations minières locales ou recherchent des substitutions techniques dans leur chaîne de valeur – un processus qui, rappelons-le, peut prendre des années avant d’être opérationnel.

Pendant que les coûts de fabrication des systèmes militaires ne cesse de grimper, impactant les budgets, les pays qui le peuvent tentent de trouver des alternatives : nouveaux approvisionnements, matériaux alternatifs, adaptation des méthodes de production...

Le rapport de force s’est clairement déplacé et la compétition s’annonce féroce, tant sur le plan industriel que politique.

Conséquences sur la technologie, la défense et la souveraineté

L’effet domino de cette crise énergétique ne touche pas que la défense. Le germanium est aussi crucial pour la fabrication de fibres optiques, de panneaux solaires à haut rendement, ou encore pour certaines technologies d’imagerie médicale.

Panneaux solaires

A court terme, les prix devraient rester très élevés et pénaliser de nombreux secteurs de pointe. Face à ces blocages, la sécurisation des métaux critiques figure désormais tout en haut des priorités des gouvernements occidentaux.

Le spectre de ruptures massives d’approvisionnement ne semble plus relever de la fiction, mais d’un avenir proche où chaque tonne extraite pèsera dans la balance des puissances.

Au final, la crise du germanium met en lumière une fragilité stratégique majeure qui, au-delà de la seule défense ou des hautes technologies, touche la souveraineté industrielle elle-même. Les incertitudes sur le retour à l’équilibre persistent, et la transformation profonde des chaînes d’approvisionnement mondiale vient à peine de commencer.