Face aux restrictions américaines qui l'empêchent d'accéder aux dernières techniques de gravure et aux puces les plus avancées, la Chine réplique avec ses propres armes : limiter les exportations des métaux stratégiques dont elle est souvent la plus grande productrice mondiale.
L'Empire du Milieu jouait déjà avec les volumes de terres rares dans ses litiges auprès de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) mais elle est passée à la vitesse supérieure depuis 2023 en annonçant des restrictions sur diverses ressources : gallium et germanium, très utilisés dans l'électronique pour doper les semi-conducteurs, mais aussi graphite naturel et synthétique (utilisé dans les batteries électriques), antimoine (utilisations militaires) et sans doute bientôt tungstène (usage militaires également).
Pour tous ces éléments, trouver des alternatives n'est pas évident tant beaucoup de pays se reposent sur la production chinoise et monter des filières ailleurs pourrait prendre des années, avec le risque de sévères perturbations de la production de composants électroniques, ce qui pourrait devenir un moyen de pression sur les Etats-Unis pour desserrer l'étau imposé à l'industrie électronique chinoise.
Trouver des alternatives au gallium
Comme cela touche également (et parfois assez spécifiquement) l'industrie des composants électroniques militaires, l'armée US n'entend pas rester dans une situation subie.
La DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), qui explore les projets techniques et scientifiques des armements de demain, vient de nouver un contrat sur trois ans avec l'entreprise Raytheon pour développer des semi-conducteurs pouvant se passer du gallium en le remplaçant par d'autres matériaux moins dépendants des exportations chinoises.
Deux ressources seront étudiées en priorité : le diamant synthétique et le nitrure d'aluminium. Le projet est divisé en deux phases : d'abord assurer l'intégration de ces éléments dans les composants électroniques, ensuite optimiser les techniques de production à plus grande échelle.
Les applications sont évidemment avant tout militaires et le diamant ainsi que le nitrure d'aluminium pourront se retrouver dans un certain nombre de composants dits semi-conducteurs à large bande (switch de radiofréquence, amplificateurs de puissance...) destinés à divers équipements (armement, radars, capteurs optoélectroniques...).
Des matériaux prometteurs mais...
Offrant un périmètre de fonctionnement plus large que les semi-conducteurs traditionnels en termes de voltage, de contraintes thermiques et de fréquences, les UWBGS (Ultra Wide Bandgap semiconductors) s'appuient généralement sur le nitrure de gallium et le carbure de silicium pour offrir ces propriétés supérieures tout en conservant une grande compacité.
Développement des UWBGS du futur (credit : Raytheon)
Le diamant synthétique et le nitrure d'aluminium pourraient offrir des propriétés supérieures au nitrure de gallium mais il reste à trouver les moyens de les intégrer dans des composants pouvant être produits en masse.
C'est à ce défi technique que doit s'attaquer Raytheon avec le soutien de la DARPA. Le délai de trois ans du contrat semble plutôt court pour atteindre tous les objectifs mais souligne peut-être l'urgence de trouver une échappatoire au piège de la restriction des métaux stratégiques mis en place par la Chine.