Un brevet déposé par Huawei détaille une méthode pour fabriquer des puces en 2 nm en utilisant uniquement la technologie de lithographie DUV. Cette approche, si elle s'avère viable, pourrait permettre au géant chinois de contourner les sanctions américaines qui bloquent son accès aux machines EUV de pointe, tout en remettant en question la dépendance de l'industrie à cette technologie ultra-moderne.

Loin de subir passivement les restrictions technologiques, le groupe chinois vient de dévoiler une stratégie audacieuse via un brevet qui pourrait redéfinir les règles du jeu dans la course aux semi-conducteurs.

Le contexte : une course technologique sous haute tension

Pour poser le contexte, il faut revenir au contexte des sanctions américaines qui, depuis 2019, privent les entreprises chinoises de l'accès à la technologie de pointe EUV (extrême ultraviolet).

Fournies exclusivement par le néerlandais ASML, ces machines sont considérées comme l'épine dorsale de l'industrie pour la gravure des puces les plus avancées, en dessous de 7 nm.

Huawei Mate 80 avec puce Kirin 9030

Malgré cet embargo, Huawei a déjà prouvé sa résilience en lançant des puces gravées en 5 nm, comme le récent Kirin 9030, grâce à des prouesses réalisées sur des machines de lithographie DUV (ultraviolet profond) plus anciennes avec son partenaire SMIC. Ce nouveau brevet représente donc une étape supplémentaire dans cette quête d'autonomie forcée.

Que contient réellement ce brevet ?

Déposé en juin 2022 mais rendu public seulement récemment, le brevet ne décrit pas la fabrication d'une puce complète, mais une « méthode d'intégration de métal ».

L'objectif est d'atteindre une finesse de gravure de 21 nm pour les interconnexions métalliques, une caractéristique technique requise pour les puces 2 nm. La solution proposée est une forme optimisée de multi-patterning.

Plus précisément, la méthode s'appuie sur le Self-Aligned Quadruple Patterning (SAQP), ou quadruple structuration auto-alignée. En temps normal, atteindre une telle finesse avec du DUV nécessiterait de multiples passages du laser, augmentant les risques d'erreur.

La technique de Huawei vise à réduire ce processus à seulement quatre expositions, en combinant des masques et des entretoises pour définir les circuits avec une précision extrême.

Viabilité commerciale ou simple coup de poker ?

Si la proposition est techniquement ingénieuse sur le papier, de nombreux experts de l'industrie restent sceptiques quant à sa mise en œuvre à grande échelle.

La principale raison pour laquelle le monde est passé à l'EUV est que le multi-patterning intensif avec DUV entraîne des rendements très faibles, une complexité de production accrue et un coût par galette de silicium prohibitif. La firme se retrouverait avec les mêmes limitations rencontrées depuis la gravure en 7 nm et en 5 nm.

Les contraintes physiques et économiques pourraient donc rendre cette méthode non compétitive pour une production de masse. Néanmoins, même si elle reste une expérience de laboratoire, elle envoie un message fort : la Chine cherche activement des voies alternatives pour retrouver son indépendance stratégique et ne pas rester bloquée sur un noeud imposé par les Etats-Unis.

C'est une parfaite illustration de l'innovation sous contrainte, qui pourrait redonner de la valeur à l'immense parc installé de machines de lithographie DUV et prouver que le déni de technologie n'est pas toujours synonyme de stagnation.