Des figures influentes comme l'ex-dirigeant de Meta, Nick Clegg, et des institutions telles que le FMI, tirent la sonnette d'alarme. Face à des valorisations jugées excessives dans le secteur de l'IA, le risque d'une correction boursière majeure, rappelant la bulle Internet, devient une préoccupation centrale pour l'économie mondiale.
L'enthousiasme autour de l'intelligence artificielle a propulsé les marchés boursiers vers des records historiques depuis le lancement de ChatGPT en 2022. Cette ascension fulgurante, alimentée par des investissements colossaux, suscite aujourd'hui des interrogations légitimes sur la pérennité d'un tel engouement.
Le spectre de la bulle Internet ressurgit
L'ancien vice-Premier ministre britannique et ex-dirigeant de Meta, Nick Clegg, a jeté un pavé dans la mare en affirmant que la probabilité d'une correction du marché dans le secteur de l'IA est "assez élevée".
Selon lui, nous assistons à un "spasme absolu de transactions quasi quotidiennes" qui a conduit à des valorisations folles et déconnectées des fondamentaux économiques.
Il lie directement ce risque à la capacité des "hyperscalers", ces mastodontes qui investissent des centaines de milliards dans les centres de données, à rentabiliser leurs infrastructures et à prouver la viabilité de leurs modèles économiques.
Clegg exprime également un certain scepticisme quant à l'atteinte d'une superintelligence artificielle, ce Graal technologique qui verrait l'IA dépasser l'intelligence humaine. Il estime que les modèles de langage actuels, bien qu'efficaces, présentent des limites qui pourraient tempérer les attentes les plus optimistes.
Le FMI et les banques centrales en alerte
Cette inquiétude n'est pas isolée. Le Fonds Monétaire International (FMI) a publiquement fait état de sa préoccupation, notant des "échos de la bulle Internet de la fin des années 1990".
Pierre-Olivier Gourinchas, économiste en chef du FMI, a souligné que les valorisations actuelles sont "assez tendues" et que les marchés risquent une "réévaluation brutale".
Le rapport sur la stabilité financière mondiale de l'institution va plus loin, avertissant que les cours des actions pourraient s'effondrer si les entreprises technologiques ne parviennent pas à tenir leurs promesses de rentabilité.
Des figures comme Andrew Bailey, gouverneur de la Banque d'Angleterre, et Jamie Dimon, PDG de JPMorgan Chase, partagent ce sentiment, pointant du doigt une vulnérabilité accrue des marchés.
Un autre signal d'alarme concerne l'émergence de financements circulaires, où des acteurs majeurs comme Nvidia financent leurs propres clients pour qu'ils achètent leurs puces. Une pratique qui rappelle étrangement certaines manœuvres observées juste avant l'éclatement de la bulle de l'an 2000.
Une bulle spéculative, mais une technologie durable ?
Cependant, de nombreux analystes soulignent une différence majeure avec la fin des années 90 : la situation actuelle est fondamentalement différente. Contrairement à de nombreuses startups de l'ère Internet qui n'avaient aucun modèle de revenus, les géants de la tech d'aujourd'hui, tels que Microsoft, Meta ou Nvidia, sont extrêmement rentables et affichent des résultats financiers solides.
Jamie Dimon lui-même, tout en étant prudent, reconnaît que "l'IA est réelle" et qu'elle aura un impact majeur, même si de nombreux investissements actuels se révéleront infructueux.
Cette vision est partagée par Jeff Bezos, qui estime que si une bulle industrielle s'est bien formée, la technologie de l'IA, elle, est bien là pour rester et transformer chaque secteur.
Datacenter IA Fairwater Microsoft
L'histoire a montré que l'éclatement d'une bulle ne signifie pas la fin de la technologie sous-jacente. Amazon et Google, par exemple, ont survécu à la crise du début des années 2000 pour devenir les titans que l'on connaît.
La question n'est donc peut-être pas de savoir si l'IA est une technologie durable, mais plutôt si les valorisations actuelles le sont. Finalement, le véritable enjeu pourrait être une question de rythme. Comme le rappelle Nick Clegg, les habitants de la Silicon Valley supposent souvent qu'une technologie inventée le mardi sera adoptée par tous le jeudi.
Or, la réalité est bien plus lente. L'adoption généralisée de l'informatique de bureau a pris près de vingt ans. Le déploiement de l'IA pourrait donc être plus progressif que ne le prévoient les technologues les plus enthousiastes, laissant le temps au marché de séparer le bon grain de l'ivraie.