Toujours dans une période de turbulence économique, Intel s’est retrouvé sur le devant de la scène après les critiques concernant son nouveau CEO Lip-Bu Tan et ses liens supposés avec la Chine via des investissements dans des entreprises affiliées à l'armée chinoise.
Donald Trump s'en est mêlé en demandant son départ, ce qui a créé une nouvelle agitation autour de la firme qui cherche à se relancer par une activité de fonderie tournée vers d'autres sociétés qu'elle-même.
Le patron d'Intel a rencontré le président des Etats-Unis pour mettre les choses au clair et il semblerait que les deux hommes aient trouvé un terrain d'entente, faisant taire les critiques.
Une réunion au sommet : entre tension et changements de ton
Ce lundi 11 août 2025, Lip-Bu Tan, fraîchement nommé à la tête d’Intel, a été invité à la Maison-Blanche par le Président Trump en compagnie du secrétaire au Commerce Howard Lutnick et du secrétaire au Trésor Scott Bessent.
Cette réunion s'est déroulé dans un climat particulièrement tendu : quatre jours plus tôt, Trump exigeait la démission immédiate du dirigeant, le qualifiant de “highly conflicted” en raison de ses liens avec des entreprises chinoises. Une accusation qui résonne fort alors que la stratégie de souveraineté industrielle américaine crée un électrochoc sur les marchés financiers.
Mais surprise, le ton présidentiel évolue après l’entretien : “La rencontre était très intéressante. Son succès et son ascension sont une aventure incroyable”, a publié Trump sur son réseau Truth Social.
Intel voit de son côté son cours de bourse bondir de 2 à 3% après cette annonce, d'autant plus que Trump s'est dit prêt à collaborer avec Lip-Bu Tan et la direction d'Intel pour proposer de nouvelles idées à la Maison Blanche sur sa stratégie et ses efforts de relocalisation des moyens de production.
La souveraineté industrielle américaine occupe désormais le cœur des débats, tout autant que les questions de sécurité nationale et d’indépendance technologique.
Lip-Bu Tan : un parcours scruté entre innovation et soupçons
Pour les investisseurs et le public, Lip-Bu Tan ne tombe pas du ciel. Vétéran du secteur, il a rejoint le conseil d’administration d’Intel en 2022 avant de succéder à Pat Gelsinger au poste de CEO en mars 2025 à l’âge de 65 ans.
Ses antécédents, notamment des investissements massifs dans des sociétés chinoises – plus de 200 millions de dollars selon Reuters, parfois liées au complexe militaro-industriel de Pékin – ont cependant mis à mal sa légitimité auprès des dirigeants américains.
Ces deux dernières semaines, le sénateur Tom Cotton a jeté de l’huile sur le feu avec une lettre au conseil d'administration d’Intel évoquant la sécurité et l’intégrité de l’entreprise, tout en rappelant une affaire judiciaire passée sur des exportations illégales chez Cadence Design Systems, ancien employeur de Tan.
Ces soupçons alimentent le débat sur la place des investisseurs venus de l’Asie dans l’industrie de pointe américaine. Face à la pression, le conseil d’Intel renouvelle toutefois son soutien à son dirigeant.
Restructuration massive et virage stratégique : les ambitions de Tan
Au-delà du rapport de force politique, c’est la vision industrielle de la direction qui déchaîne toutes les attentions. Depuis sa nomination, Tan a lancé une transformation radicale : suppression de plus de 21 000 postes, soit un cinquième des effectifs mondiaux, réorganisation des équipes et tentative de recentrage vers l’intelligence artificielle (les accélérateurs Gaudi), la conception de puces pour le cloud et les services de fonderie pour clients tiers avec la division IFS (Intel Foundry Services).
La conception de processeurs pour ordinateurs reste d'actualité avec l'arrivée prochaine des plateformes Panther Lake et Nova Lake, les nouvelles architectures x86, qui sont désormais la priorité pour (re)conquérir les segments des PC et serveurs professionnels.
Toutes les conceptions majeures de puces sont validées personnellement par Tan avant le tape-out (la première mise en production) pour améliorer la maîtrise des coûts et la rigueur d’exécution.
Cette restructuration, la plus grande de l’histoire d’Intel, vise à rétablir une dynamique de croissance, alors que la société est à la traîne derrière des géants tels que Nvidia et AMD.
Stratégie et perspectives : Intel peut-il redevenir leader ?
Tandis que la politique et la compétition mondiale continuent d’influencer fortement le secteur, la question se pose désormais : Intel peut-il retrouver sa place de meneur ?
Les annonces de Tan laissent supposer des objectifs clairs et chiffrés : réduction des coûts de fonctionnement de 500 millions de dollars dès fin 2025 et encore un milliard supplémentaire en 2026. Signe d’un changement culturel profond, Intel mise sur une structure plus horizontale, où l’initiative des ingénieurs redevient centrale.
En parallèle, la collaboration avec l'administration Trump pour aligner les priorités nationales et technologiques fait figure de catalyseur. Pour les analystes, le redressement d’Intel passera moins par la stratégie (la division IFS est trop avancée pour l'abandonner directement) que par la capacité à l’exécuter.
Il reste maintenant à voir si la rencontre à la Maison Blanche aura réussi à rassurer ou bien si Donald Trump fera une nouvelle volte-face à la prochaine mauvaise nouvelle.